dimanche 21 février 2016

Les mondes noirs : 27

Gambayou était dur, au-delà de la moyenne. Les exercices succédaient aux entraînements. Karabval ne se rappelait que la fatigue de cette période. Dès qu'ils avaient quelques instants de repos, ils s'effondraient pour dormir. Le premier accident arriva vite. Une épée en bois est faite pour éviter les blessures, sauf la pointe. Quand elle pénétra dans l'
œil de Harmi, il hurla sa douleur. Gambayou intervint immédiatement. Il lui asséna une gifle magistrale pour le faire taire. Puis ayant à peine pris le temps de lui faire un pansement sommaire, il le renvoyait du groupe. Karabval en fut horrifié. À la moindre de ses erreurs, il pouvait subir le même sort. Il se jura de ne jamais vivre ça.
Au deuxième accident, suivi du deuxième renvoi, il pensa que son vouloir ne suffirait peut-être pas. Bogueté s'était cassé la jambe lors d'une mauvaise chute lors d'un combat. Pourtant, il était bon, meilleur que lui mais il avait manqué de chance. Karabval se demanda où chercher de l'aide pour avoir un sort favorable. Il devint plus attentif aux temps passés dans le temple. L’’Idole avait sûrement ce pouvoir. Restait à trouver comment la rendre attentive à son destin.
Le troisième accident le toucha. Karabval se battait avec Touasmi. C'était un garçon vif et rapide. Karabval le jugeait sournois. Ses combats étaient toujours comme des combats à mort même si les armes étaient factices. Pour Karabval, c'était le signe que Touasmi essayait de rentrer dans le cercle des proches de Gambayou. Vu la dureté de leur mentor, éliminer un jeune mâle du groupe pour le redescendre parmi les serviteurs, faisait gagner des places dans la hiérarchie informelle du groupe.
Touasmi s'était procuré une dague en bois de noor. Tout le monde connaissait la dureté de ce bois. Normalement les armes des jeunes mâles étaient en bois blanc. Touasmi avait aiguisé son acquisition comme on aiguise du métal. Karabval s'était déjà battu avec Touasmi. Il était aussi rapide que lui. Leurs joutes étaient toujours impressionnantes. Dans la cour où ils s'entraînaient, les combats s'arrêtèrent pour les regarder. Katabval ne sentit pas la première coupure. C'est en voyant son sang couler qu'il avait compris que Touasmi avait triché. Il avait juré tout en reculant. Touasmi avait poussé un cri de victoire en voyant la blessure. Karabval avait rompu le combat. Il se mit à tourner en rond au milieu du groupe formant arène. Touasmi fit de même un moment, portant quelques attaques sans conviction. Karabval réfléchissait. S'il était blessé à droite, c'est que l'arme dangereuse était la dague. Il l'observa mieux. Ce n'était pas celle en bois blanc qu'il tenait dans sa main gauche. Elle était trop sombre. Il pensa à ce qu'il devait faire pour s'en débarrasser. En attendant l'ouverture favorable, il se contenta de parer les attaques, tournant  sans cesse dans le cercle.
C'est alors qu'arriva Gambayou. Le silence se fit, perturbant les combattants. Si Karabval nota le fait dans un coin de son esprit, Touasmi voulut briller aux yeux de son mentor. Il multiplia les attaques. Au début, Karabval para les coups de ses deux mains. Son bras droit lui faisait mal mais répondait bien. Il donna pourtant des signes de fatigue en parant juste à temps. De nouveau, il y eut des cris autour d'eux. Certains qui anticipaient la victoire de Touasmi, l'encourageaient ouvertement. D'autres ne criaient qu'au moment des engagements. Gambayou s'était croisé les bras, sans perdre une miette du combat, tout en restant silencieux.
Il y eut un cri de surprise quand Karabval passa son épée dans la main gauche et sa dague à droite. Touasmi fut un instant décontenancé. Ils firent presque un tour de l'arène avant qu'il ne remonte à l'assaut. Il pensa que Karabval fatiguait. Il allait montrer au mentor sa haute valeur. Multipliant les attaques, il voulait noyer son adversaire sous un déluge de coups.
Karabval para les coups. La dague en bois de noor passa très près, entamant son habit à l'épaule. C'était l'instant favorable. Il laissa Touasmi pousser à fond son mouvement. D'un coup de pied, il le déstabilisa. Quand son adversaire fut en déséquilibre, Karabval d'un mouvement tournant le frappa à l’entrejambe du plat de son épée de bois. L'autre poussa un cri de bête et tomba à terre, cisaillé de douleur. Karabval acheva l'action en l'assommant.
Ce combat fut le début de la haine que Touasmi voua à Karabval. Ce fut aussi le début de la suprématie de ce dernier sur le groupe. Quant à Gambayou, il ne fit aucun commentaire mais n'oublia jamais de rappeler ce combat à Touasmi, utilisant cette haine pour gérer le groupe.
Karabval s'était soigné tout seul. Il connaissait la règle. Demander de l'aide pour une blessure revenait à se faire renvoyer chez les serviteurs. Déjà dans le groupe, nombreux étaient ceux qui étaient partis, trop épuisés ou trop malades.

jeudi 18 février 2016

Les mondes noirs : 26

Karabval laissait remonter ses souvenirs.  Dans son abri d'épines, il se revoyait quand il venait de changer de niveau. Il quittait enfin la pouponnière, suivant le mentor des jeunes qui était venu les chercher. Tous ceux qui partaient avaient attendu ce moment avec espoir, impatience et anxiété. Le clan bleu était le meilleur des clans. On leur avait martelé cela depuis toujours. Ils devaient être les meilleurs. Dès qu'ils avaient su marcher, ils apprenaient à se battre et à faire les corvées. Rares étaient les répits.
Il revoyait ce mentor. Sa première impression avait été forte. Le mentor était arrivé en grande tenue avec ses armes. Ses deux épées lui battaient les jambes faisant un claquement à chacun de ses pas. À sa ceinture les dagues s’alignaient dans des fourreaux incrustés de métal brillant. Immédiatement tous les jeunes s'étaient mis à rêver de lui ressembler.
Gambayou n'aimait pas ce rôle de mentor qui l'éloignait des lieux de pouvoir. Il aurait préféré rester dans l'entourage Dame Longpeng. Le mâle premier lui avait rappelé sèchement devant tout le monde que c'était son tour. Il était resté de mauvaise humeur en venant chercher le groupe. Il les jugeait responsables de son éloignement. Il avait revêtu sa tenue d'apparat de façon à les impressionner. Quand il arriva dans la cour, en retard pour montrer son importance, et qu'il vit le groupe, il le jugea d'emblée antipathique. Les regards admiratifs que les jeunes mâles avaient, le confortèrent dans son opinion. Il n'y avait rien à en tirer de bon. Il aboya un ordre pour qu'ils se mettent en rang pour le suivre. La rapidité de leur réaction l'éc
œura. Des moutons ! Il allait devoir conduire des moutons.
karabval se dépêcha comme les autres de s'aligner pour faire un carré parfait. Il fallait faire bonne impression à ce mâle qu'on disait proche de la dame du clan. C'est lui qui devait tout leur apprendre de ce que doit savoir un bon mâle. Dans un coin de son esprit, il eut une pensée qui l'amusa. Gambayou était proche phonétiquement de grand bayou ce qui était une gentille insulte mais une insulte quand même. Il refoula avec horreur cette idée de comparer son mentor à un benêt…

lundi 15 février 2016

Les mondes noirs : 25

Après ce qu'ils venaient de vivre, personne n'était prêt à partir. Quand la lumière du jour revint, ils restèrent à l'abri du riek. Sous cet arbre, les scorpions volants hésitaient à venir. On pouvait rester un moment sans masque. Il suffisait de le mettre quand on entendait le bruit du vol d’un scorpion. En dehors de Tordak, il ne restait que deux combattantes. Chimla regarda les serviteurs survivants. Ils n’avaient pas fière allure. Tous avaient la mine défaite des vaincus. Ils avaient perdu le contact avec leurs guerriers et ne pensaient pas même plus sortir vivants des mondes noirs. Elle pensa à Karabval qui était à l’origine de ce voyage sans retour...

    Il avait eu du mal à grimper dans l’arbre à épines. Karabval appelait comme cela les arbres dans lesquels il trouvait refuge chaque jour. Il manquait des branches basses et il avait été difficile de couper assez d’épines pour se faire des prises sans se blesser. Il avait dû sacrifier une cape pour y arriver. Il était maintenant bien installé sur le tapis d’aiguilles intérieur. Il ne lui restait plus qu’à se reposer. Il pensa à tous les évènements qui l’avaient conduit là où il était. Jamais il n’avait pensé qu’il quitterait le royaume et encore moins par les mondes noirs. Petit, il avait rêvé un temps de voyager vers les montagnes, celles qui bordaient le pays là où le soleil se couche. Il avait interrogé les grands sur ces contrées étranges d’au-delà des monts. Il savait que les gardiens venaient de par là, que les gardes noirs venaient d’encore plus loin. Il savait aujourd’hui que ce n’étaient que des rêveries d’enfant. La réalité s’était imposée à lui. Il avait un rôle à jouer. Le plus important était devenir mâle premier. Il avait de la chance, comme le lui répétaient ses maîtres. Il était né dans un des grands clans, un des clans du premier cercle. La Dame du clan discutait presque d’égale à égale avec la reine. Cela faisait la fierté de tous.
Karabval avait passé son enfance comme tous les jeunes mâles, entre exercices et corvées. Il avait un don particulier pour se mettre dans des situations impossibles. Il aimait passer derrière les barrières, faire ce qu'on ne doit pas faire. Il évitait autant de corvées qu'il avait de punitions. Ce qui le rendait intouchable était la protection dont il bénéficiait. Dame Longpeng le considérait suffisamment pour le saluer quand elle le croisait. La première fois que son groupe d'adolescents avait croisé la dame du clan, alors que tous s’agenouillaient pour la saluer, Karabval était resté debout. Tout le monde s'attendait à une sévère punition. Ils eurent la surprise de voir celle dont on disait qu'elle valait la reine pour la cruauté de ses punitions, s'arrêter, le regarder un moment et lui dire :
- N’exagère pas !
Karabval avait alors incliné la tête comme le premier des mâles.
La dame avait eu un sourire forcé et avait continué son chemin. Cette rencontre avait ouvert la porte à toutes les spéculations.

mardi 9 février 2016

Les mondes noirs : 24

Le groupe repartit à la nuit tombante. On s’était partagé les vivres et les armes. Le moral était mauvais. Ils se retrouvèrent dans cette pâle lumière jaune-vert qui fatiguait les yeux. Mafgrok avait décidé de ne pas achever les blessés qui pouvaient survivre. Il avait donné ordre de les laisser là. Charge à eux, de rentrer au Royaume pour donner des nouvelles. C’est donc trente guerriers et amazones ainsi que dix serviteurs qui repartirent. Chimla était maintenant la seule servante. Elle portait à son bras le bouclier et tenait dans l’autre main une branche de riek. Plus légère que l’épée, elle était aussi moins longue et mieux adaptée. Elle retrouva avec désagrément le sol mou et spongieux. Elle marchait derrière Tordak. Il était manifestement le seul à connaître au moins théoriquement, ce qui vivait dans les mondes noirs. Ils étaient au milieu de la colonne. Mafgrok avait préféré nommer les amazones en arrière garde. Selon lui, si elles prenaient du retard, cela aurait moins d’importance. Son serviteur était blessé. Il l’avait laissé au riek. Il soufflait en portant une charge presque deux fois plus lourde que tout le monde. Les gardiens étaient devant. Les goulques étaient nerveuses. Chimla les entendaient renifler bruyamment. Elles cherchaient la piste de Karabval. Chimla n’avait même pas approché des gardiens. Sous leurs masques, elle ne savait même pas à qui elle avait à faire. Elle eut les mêmes pensées pour les autres. Elle n’avait vu que quelques amazones sans leur masque et des serviteurs. Les guerriers étaient bien trop fiers pour avoir la faiblesse de les enlever. Certaines voix ne lui étaient pas inconnues, mais ici dans les mondes noirs, elle n’arrivait pas à associer, nom, voix et visage.
Comme les autres, elle faisait surtout attention où elle mettait les pieds. L’humidité de la veille avait détrempé le cuir de ses bottes et de ses guêtres. Elle avait froid aux pieds et surtout elle commençait à avoir mal.
Ils marchèrent ainsi un long moment en silence. Chimla fatiguait. Mafgrok n’avait pas l’air de vouloir faire de pause. Elle serra les dents. Il fallait qu’elle pense à autre chose. L’amulette, elle se mit à penser à l’amulette qui pendait à son cou. Karabval avait l’amulette du clan bleu, Dame Longpeng avait celle de Karabval et elle avait celle de Dame Longpeng. D’ailleurs, elle était bien lourde. Elle sursauta comme si une mouche l’avait piquée. L’amulette tirait sur son cou de plus en plus fort. Elle qui laissait pendre ses membres comme des poids qu’on traîne, se ressaisit. Tordak sentit tout de suite la différence et se retourna.
- Qu’est-ce qui t’arrive ? T’as vu quelque chose ?
- Non, mais ce que je sens ne me plaît pas.
Il prit la remarque au premier degré et se mit lui aussi à renifler :
- Les goulques ne sentent rien, mais t’as raison, il y a quelque chose dans l’air.
Chimla se mit aussi à renifler. Vaguement une odeur âcre semblait flotter.
- Ya quelque chose qui pourrit pas loin, dit Tordak.
Chimla ne le pensait pas. Ce ne sentait pas la décomposition. Cela sentait…
- On devrait s’arrêter, dit-elle. Ce que je sens n’est pas bon et ce n’est pas de la pourriture.
Elle avait joint le geste et la parole, bloquant ceux qui étaient derrière. Les guerriers devant continuèrent. Ils les perdirent rapidement de vue. Le brouillard s’épaississait, ouatant les sons. Tordak affermit la main sur son épée. Les serviteurs derrière, virent se regrouper autour d’eux.
- Qu’est-ce qui se passe ?
- Quelque chose vient, murmura Tordak.
Ce fut au tour de Chimla de prendre fermement son gourdin de riek en main.
- Prenez vos armes, ordonna Tordak. L’odeur vient par ici.
L’air autour d’eux devint fétide. Un des serviteurs se mit à vomir. D’autres l’imitèrent bientôt. C’était une odeur infecte qui emplissait l’air maintenant. Chimla avait des haut-le-cœur. Autour de son cou, l’amulette était lourde, trop lourde. Elle fit un pas dans un sens et puis dans un autre. Une direction rendait la charge moins pénible.
- Par là, dit-elle.
Elle partit en courant presque suivie par les autres. Leurs pas faisaient des éclaboussures bruyantes. Chimla n’en avait cure. On leur avait pourtant, intimé le silence et la discrétion avant de partir. Elle sentait une telle urgence qu’elle ne n’y pensait même pas. Autour de son cou l’amulette se balançait. Elle était moins lourde à droite. Elle tourna à droite, continuant sa course. Les autres derrière, s’accrochaient comme ils pouvaient. Soudain ses pas foulèrent ses aiguilles. Elle stoppa net. Tordak sur ses talons, l’évita de peu. Puis arrivèrent les serviteurs :
- Encore un riek ! dit l’un d’eux.
- C’est celui qu’on a quitté, cria un autre.
- Suffit ! dit Tordak. Ce n’est pas le même. Il est différent.  Regardez au lieu de dire n’importe quoi.
Tordak s’approcha du tronc et le scruta.
- Il n’y a pas de signe d’aménagement. Personne n’est venu ici.
Les derniers serviteurs s’avancèrent suivis des quelques amazones.
- Pourquoi nous faire courir comme ça ? demanda Traerts.
- Il fallait fuir, répondit Chimla.
- Qu’est-ce que tu fuyais, une odeur ? Une charogne quelconque ?
- Tu ne connais rien, Traerts du clan jaune d’or ! répliqua Tordak. Chimla a raison. Je sais ce qu’elle a fui. D’ailleurs vous allez bientôt le voir. Sentez !
Tout le monde renifla un grand cou. Certains poussèrent des cris de dégoût.
- Approchez-vous du tronc, ordonna Tordak et ne bougez plus. Ce riek a des branches basses, cachez-vous derrière.
- Les amazones ne se cachent pas, siffla Traerts.
- Oui, je sais, répliqua Tordak, Elles préfèrent finir comme Gietta !
Traerts rougit sous l’insulte, mais l’odeur qui devenait à nouveau insoutenable, l’empêcha d’insulter Tordak comme il l’aurait mérité. Elle avait les boyaux qui se tordaient dans des spasmes douloureux.
Si l’odeur était épouvantable, le bruit était léger. Tellement léger que personne ne l’entendit au début. Puis ce devint plus net. Un chuintement se rapprochait d’eux. Chimla associa ce bruit au traîneau qu’on pouvait tirer sur la paille pour la hacher.
- Là, dit un serviteur en tendant le bras.
Tous les yeux se tournèrent dans cette direction. Une forme dépassait du brouillard. Une forme molle se balançait largement au-dessus de leur tête. Le chuintement était maintenant très net et l’odeur à vomir. D’ailleurs beaucoup vomissaient. Un des serviteurs fit deux pas, s’éloignant du tronc pour s’écrouler à quatre pattes plus loin, vomissant ce qu’il n’avait plus dans l’estomac.
Chimla s’exclama :
- Ça nous a vus !
La forme molle se tournait vers eux, se penchant vers le riek.
- Ne bougez-pas, dit Tordak entre deux spasmes.
Des serviteurs partaient en tous sens pour fuir. Il essaya d’en retenir un d’une main tout en tenant son ventre de l’autre. Comme le serviteur tirait trop fort, il le lâcha, ne pouvant le retenir. Celui-ci déboucha en courant sur le tapis d’aiguilles. Il y eut comme un coup de fouet. On le vit porter ses mains à sa poitrine et il disparut comme happé par le brouillard. Tous ceux qui avaient quitté l’abri de la branche basse du riek subirent le même sort. Certains hurlèrent un temps, jusqu’à ce que le silence ne retombe dans un bruit de siphon.
- Qu’est-ce que c’est que cette horreur, demanda Traerts ?
- C’est un Gouam, dit Tordak entre deux spasmes.
- Alors ça se tue, hurla Traerts en dégainant ses deux épées.
Elle sortit en courant, hurlant sa haine et son dégoût. On entendit de nouveau ce bruit de coup de fouet et on vit se planter comme des harpons montés sur tentacules là où s’était tenue Traets. Dans le brouillard, la forme molle bougea plus rapidement. Les coups de fouet succédant aux coups de fouet.
Il y eut un cri horrible poussé par un gosier non humain.
- ELLE L’A TOUCHÉ ! hurla quelqu’un.
Depuis le riek, on entendait le combat. D’autres amazones se jetèrent dans la bataille. Le remue-ménage devint intense. On entendit un premier cri humain, celui-ci. On vit alors un des tentacules faire une boucle en l’air, entraînant dans sa course, une amazone transpercée au niveau de la cuisse. Elle se débattait tentant de frapper le tentacule qui l’emmenait. Son coup d’épée fit mouche mais n’alla pas plus loin. Un deuxième harpon venait de lui transpercer le thorax. Sous les yeux effrayés des serviteurs, on la vit disparaître dans la brume. Bientôt d’autres cris suivirent et le silence revint.
- Ne bougez-pas, redit Tordak, Ne bougez-pas !
Tous les présents étaient tétanisés, aplatis par terre de terreur. Un coup de fouet claqua, suivi du bruit d’un harpon tapant dans le riek.
- IL VEUT NOUS AVOIR, hurla quelqu’un.
Tordak ne vit pas qui c’était. Il entendit se lever l’homme et le bruit de sa course pour fuir les lieux. On entendit claquer le fouet et son cri quand il fut touché. Ce fut un long hurlement qui se termina en gargouillis horrible.
- On va tous y passer, si ça continue, dit Chimla.
- Pas si on ne bouge pas. Il ne peut pas venir sous le riek.
La tête molle se balançait comme si elle cherchait comment atteindre ses proies. Brusquement elle stoppa son mouvement.
Tout le monde retint sa respiration.
Lentement, la forme molle se pencha vers l’extérieur. Puis elle disparut. L’odeur enfin diminua.
Tout le monde tremblait maintenant.
- Pourquoi c’est parti, demanda quelqu’un ?
- Il a entendu ou vu ou senti d’autres proies. Les gouams sont insatiables, répondit Tordak.
Il se tourna vers Chimla.
- Merci, sans toi et ton odorat, on était tous morts. Tu ne sais peut-être pas te battre, mais tu sais survivre !

jeudi 4 février 2016

Les mondes noirs : 23

Les scales ! Voilà maintenant que Tordak lui racontait des histoires pour faire peur aux enfants. Tout le monde savait que les scales n’existaient pas. La légende racontait que chaque clan devait désigner un ou plusieurs chasseurs de scales. C’était les plus braves et les plus forts. Quand des scales entraient dans le royaume, il fallait les tuer. Malheur aux petits enfants qui traînaient dans les rues la nuit. Malheur aux autres aussi ! Les scales étaient sans pitié, dévorant tout et tous. La légende disait encore que sur dix guerriers partis à la chasse aux scales, seul un revenait. C’était le héros pour toute la durée des fêtes. Il fallait les cerner. Le cimetière était le meilleur endroit. Les scales ne sautant pas, les hauts murs étaient parfaits pour les cerner. Quand tout était enfin fini, on relevait les dépouilles et on faisait des trophées des têtes des monstres.
- Oui, mais ça c’est la légende, lui dit Tordak. Moi, j’ai lu !
Il n’alla pas plus loin. Le glapissement d’alerte des goulques retentit en bas. Il entendit en bas tous les vivants se regrouper.
- Ils ne risquent pas grand chose. Les scales auront assez avec les morts d’aujourd’hui. Et puis deux goulques...
Le rugissement d’une goulque l’interrompit. Chimla le pressa de questions.
- Les scales sont des nécrophages. Ils sentent la mort à des distances que tu ne peux même pas imaginer. Ils sont devenus une légende dans le royaume à cause des goulques. Elles sont plus fortes qu’eux, enfin en meute. Une goulque seule n’a aucune chance de survie si elle ne fuit pas. Les scales sont venus chercher les morts. Malheur à qui s’y opposera.
Chimla frissonna. On était loin de la légende qui disait qu’on avait installé des planches tout autour du cimetière, en haut des murs pour pouvoir venir voir le combat des héros et des scales quand ils étaient cernés.
En bas, à part les goulques qui glapissaient et rugissaient, on n’entendait aucun bruit. Tordak reprit :
- Ils ne vont pas les combattre, même avec deux gardiens et deux goulques.
De nouveau, il s’interrompit en tendant l’oreille. Chimla fit de même. Il y eut d’abord des petits cris rauques venant d’un peu partout. Puis on entendit des clac-clac comme deux planches qu’on entrechoquent.
- C’est quoi ça, murmura Chimla.
- Ils claquent des mâchoires pour communiquer, répondit Tordak. Ils s’approchent. D’abord, ils vont tourner autour du riek et puis, ils vont venir chercher les morts.
- Mais c’est terrible… et la coutume ?
- Non, c’est pas terrible, c’est même une bonne chose. Mafgrok et ses semblables vont arrêter de nous casser les pieds avec les morts.
Les claquements se rapprochèrent. Chimla les entendit tout autour. Les scales claquaient de différentes manières, plus ou moins fort, plus ou moins vite. La tonalité même de chaque claquement était différente. Cela en devint presque assourdissant d’autant plus que les goulques hurlaient maintenant. Le premier cri la surprit. C’était une amazone qui criait le nom de sa servante. Chimla entendit Mafgrok crier à son tour :
- NON !!!
Il y eut du remue-ménage en dessous et ce fut un bruit de curée fait de claquements de mâchoires et de hurlements humains. Puis ce fut le silence.
- J’ai toujours pensé que Liscat était stupide, dit Tordak comme oraison funèbre.
Mafgrok hurla à nouveau :
- Que personne ne bouge, laissez-les. Protégez-vous mais laissez-les !
Dans leur refuge, Chimla et Tordak entendirent en dessous d’eux, les bagarres entre scales pour une dépouille. L’air était rempli de l’odeur de la mort et des cris rauques des nécrophages.

samedi 30 janvier 2016

Les mondes noirs : 22

Les gens s’étaient mis par affinités sur cet îlot sec. Tordak et Chimla s’étaient vus repoussés vers l’arbre. Ils campaient très près du tronc. Trop près au goût de Chimla qui s’étaient fait déchirer la peau lors d’un simple frôlement. Les amazones occupaient un morceau de terrain sous une grosse branche, ce qui délimitait une bande confortable assez longue. Il y avait chez les amazones des petits clans une certaine entente. L’une d’elle avait réussi à transporter du feu. Même s’il n’était pas bien gros, les petites flammes du foyer réchauffaient les esprits. Elles mettaient assez souvent en commun leurs forces dans des alliances entre clans. Même si l’on ne pouvait parler d’entraide, il y avait une sorte de convivialité qu’on ne trouvait pas chez les guerriers. Chacun couple guerrier-serviteur avait délimité son territoire, se mettant plus loin de ceux qu’ils n’aimaient pas ou qu’ils redoutaient. Leur orgueil les poussait à être les plus forts. C’est pourquoi aucun n’avait pris de feu. Les autres auraient vu cela comme une faiblesse.
Chimla sortit du sac les galettes de route. C'était une nourriture dense à défaut d'être bonne. Ils mâchèrent en silence. Autour d’eux, le même silence régnait simplement troublé par les bavardages venus du camp des amazones. La fatigue se faisait sentir. Chimla piquait du nez entre deux bouchées. La lumière changeait doucement. Tordak s’était maintenant allongé pour dormir un peu. Chimla s’endormait assise. Sa tête tombait en avant, la réveillant. Elle ouvrit les yeux une nouvelle fois. Regarda un peu autour d’elle et voulut s’allonger pour dormir. Son amulette se mit à peser lourd, trop lourd. Elle se remit assise. Le poids était moindre, mais encore présent. Elle se leva, l’amulette se fit oublier. Elle commença à s’appuyer sur l’arbre et se redressa en poussant un cri de douleur. Du sang coulait de son épaule. Chimla jura. Son cri avait soulevé la tête de quelques guerriers qui lui jetèrent des regards torves. Tordak aussi se réveilla et la regarda. Puis il regarda autour de lui. Autour de son cou, Chimla sentit à nouveau le poids de l’amulette. Si elle se baissait, le cordon lui faisait plus mal. Elle commença à escalader le tronc pour soulager son cou. Elle arriva à un espace dégagé, sans épines aucune. Le tronc et les branches étaient couverts des mêmes épines que par terre, rendant l’endroit aussi agréable qu’un nid. Elle décida de s’allonger là. Elle vit arriver Tordak. Il passa la tête au-dessus de la branche et regarda où était Chimla. Il fit :
- Ah oui !
 Elle le vit disparaître. Quelques instants plus tard, il remontait. Elle vit d’abord les sacs, le sien suivi de celui de Tordak, puis elle vit la tête de ce dernier émerger en jurant :
- Saloperies d’épines !
Elle le vit essuyer du sang sur son bras.
- Faudra faire attention en redescendant, dit-il. Il nous reste assez de temps pour nous reposer.
Regardant autour de lui, tout en s’allongeant, il ajouta : 

- Il avait trouvé un bon coin. Même pas besoin de faire le guet.
Chimla déjà ne l’écoutait plus. Elle avait sombré dans le sommeil. Son rêve devint cauchemar. Elle était dans le palais avec Dame Longpeng à discuter quand explosèrent des cris. Chimla vit les dames du conseil se précipiter pour égorger sa maîtresse. Elle essayait sans succès de s’y opposer, les cris redoublaient…
Chimla se réveilla en sursaut. On criait bien. Son rêve n’était que réalité. Tordak était au-dessus du puits d’entrée, son épée dans une main et sa dague dans l’autre. Chimla s’approcha de lui.
Elle murmura :
- Qu’est-ce qui se passe ?
- On se bat en dessous, répondit Tordak sur le même ton.
On entendait glapir les goulques et les cris des guerriers. Le fracas des armes qui s’entrechoquaient couvrait tout le reste. Cela dura un moment. Puis le silence revint.
Ils restèrent immobiles un moment. Tordak fut le premier à bouger :
- Reste avec les sacs ici, j’vais voir.
Il allait s’engager dans la descente quand il s’arrêta un instant, regarda Chimla et lui demanda :
- T’as une arme ?
Chimla sortit sa dague. Tordak la regarda comme on regarde un jouet et dit :
- Ça devrait suffire.
Elle le vit disparaître, attentif à ce qui se passait en bas. Il remonta bien vite.
- Le jour est là et les scorpions aussi.
Il se dirigea vers son armure et s’en revêtit. Puis il reprit sa descente pendant que Chimla s’équipait.
Le temps passait sans qu’il remonte. Chimla entendait des bruits et des conversations. Elle décida de descendre aussi.
Personne ne fit attention à elle. Tous les présents avaient remis leurs armures. Des scorpions volants passaient çà et là. Tordak discutait plus loin. À terre, elle vit plusieurs corps, dont certains difformes. Ces êtres lui évoquèrent les récits de monstres des mondes noirs. Ces histoires, horribles étaient racontées le soir aux enfants pour les faire tenir tranquilles.
Chimla s’approchait du groupe qui discutait :
- Les monstres… ils vont revenir, disait Dalk.
- Je ne sais pas, répondit Mafgrok. On les a bien étrillés.
- Les amazones ont payé un lourd tribut, dit Gietta du clan amarante.
- Elles ont surtout payé leur amateurisme, répliqua Mafgrok.
Chimla les laissa à leur dispute pour faire le tour du campement. Les amazones avaient le plus de pertes. Pour être précis, les servantes avaient été les plus atteintes. Trop heureuses de pouvoir enfin se libérer du carcan de cuir, elles avaient ôté leurs armures. L’attaque les avait surprises dans un demi-sommeil sans défense. Il y avait aussi des morts parmi les amazones.
Les attaquants avaient des branches de riek comme armes. Les épines tranchantes faisaient de profondes coupures. Les blessés étaient aussi assez nombreux. Chimla découvrait leur visage. Elle sursauta en voyant les dégâts. Les épines de riek avaient labouré les crânes, déchiquetés les joues, arrachés des yeux. Les corps eux-mêmes étaient lourdement atteints. Elle se demanda si, à part Tordak et elle, il y avait eu des survivants sans blessures. Les amazones survivantes se pansaient l’une l’autre. Les blessés gémissaient ou râlaient, agonisant. Plusieurs guerriers, qui avaient gardé en partie leur armure, s’occupaient de les achever, les égorgeant proprement.
Chimla vit au bout du camp les gardiens et leurs goulques. Même eux avaient des plaies. Si une goulque semblait en bonne forme, l’autre léchait le sang qui coulait encore de sa patte gauche.
Revenant sur ses pas, elle aida à pousser les corps des assaillants à l’extérieur du camp. Dès qu’elle atteignait le bord du tapis d’aiguilles et tombait dans l’eau, la dépouille se trouvait comme agitée de soubresauts. Chimla vit avec répugnance que cela était dû à une multitude de petites formes noires serpentiformes qui accouraient, attirées par l’odeur de la mort.
Le tapis d’aiguilles était rouge brun de sang. Chaque pas faisait un bruit poisseux. Chimla revint vers le centre du camp. Les discussions étaient toujours vives. Que fallait-il faire des morts ? Certains parlaient de leurs rendre les honneurs habituels mais sans faire le bûcher traditionnel. Le bois dans les mondes noirs était trop humide pour brûler correctement. D’autres voulaient les enterrer. On leur fit remarquer qu’on manquait de pelles. Mafgrok était pour les laisser là sous un tapis d’aiguilles. La plupart était contre cette idée qui heurtait la coutume. Chimla remarqua Tordak un peu en retrait qui ricanait. Elle s’approcha de lui.
- Ça t’amuse, lui demanda-t-elle ?
- Ils discutent de la décoration des fourreaux alors que les épées sont rouillées dedans.
- Que proposes-tu ?
- T’as une arme ?
- Ma dague !
Tordak se mit à rire franchement. Il se retourna et prit un bouclier et une épée.
- Je t’ai récupéré ça.
- Merci, dit Chimla.
- Te fais pas d’illusion, si j’te préfère en vie, c’est que ça me fait moins de poids sur le dos !
Chimla prit les armes. L’épée était trop longue pour elle. Elle ne voyait pas comment elle allait s’en servir. Le bouclier venait d’une amazone, il était vert-bleu. Ça ne valait pas la couleur de son clan. Elle remercia Tordak. Intérieurement, elle aurait préféré qu’il soit parmi les victimes. Sas airs supérieurs l’indisposaient.
Maintenant, on retourne dans le riek. Les scales vont arriver !
Chimla voulut lui poser une question mais, il était déjà en train d’escalader le tronc.

jeudi 28 janvier 2016

Les mondes noirs : 21

Une bulle vint crever la surface. Libérant une odeur encore plus infecte de putréfaction. Repsin restait penché là, au-dessus de quelques objets qui surnageaient sur l’eau sale. Il répétait sans s’arrêter :
C’est pas vrai, c’est pas vrai, c’est pas vrai, c’est pas vrai….
Faisant attention où il posait le pied, il se pencha en avant pour tenter de récupérer un des petits sacs de Hibkin qui flottait un peu plus loin. Pendant ce temps, les quatre tireurs frottaient leur mains en partie brûlées par la corde qu’ils avaient dû laisser filer par à coups pour ne pas être entraînés.
Chimla sentit peser l’amulette plus fort sur son cou. L’astre nocturne apparut au-dessus du brouillard, éclairant la scène d’une lumière plus intense et plus blanche. Chimla fit un pas en avant et sentit le poids augmenter. Elle chercha vers où aller pour le faire diminuer. Elle se retrouva près des goulques et des gardiens qui malgré leur force, n’arrivaient pas à les retenir. Pas après pas, ils s’éloignaient. Chimla n’aimait pas l’idée de se retrouver près des goulques. Elle partageait la crainte de tous. Ces animaux étaient sanguinaires et avaient dépecé plus d’un mécréant suivant les dires des gardiens. Elle se retourna quand même pour voir ce que faisaient les autres. Hibkin avait disparu. Ce n’était pas une grande perte. Elle n’avait jamais aimé ce prétentieux. Ils avaient autre chose à faire que de se lamenter sur son sort. Elle vit Tordak non loin qui venait vers elle. Lui aussi devait penser qu’on avait perdu assez de temps. Derrière lui les autres se détournaient aussi du lieu du drame. Les quatre mâles qui avaient aidé se mirent à se charger de leur sac. Repsin poussa un petit cri de joie :
Je l’ai !
Il n’eut même pas le temps d’avoir peur. Une gueule énorme jaillit de la fange, faisant une gerbe d’eau. On entendit le bruit du claquement des mâchoires et le splach que fit la bête quand elle retomba dans la boue.
Tordak en passant près de Chimla lui dit :
J’étais sûr qu’il ne fallait pas s’arrêter là.
Tu aurais pu lui dire, répondit Chimla.
L’avait qu’à lire au lieu de se pavaner, lui répliqua Tordak en emboîtant le pas aux gardiens.
 La marche reprit. La lumière était meilleure mais le moral très sombre. Tout le monde surveillait ses pieds. Les goulques tiraient toujours vers la même direction. Comme si Karabval avait marché tout droit. Chimla s’interrogeait. Comment avait-il survécu? Il était seul, armé légèrement. Les mondes noirs étaient terribles. D'ailleurs comment allaient-ils pouvoir dormir ? Et manger quand les provisions s’épuiseraient?
Le glapissement d’une goulque la sortit de ses interrogations. Elle tirait son gardien particulièrement brutalement. Il se mit à courir pour suivre sa bête. Bientôt toute la colonne se retrouva au petit trot. Chimla s'essouffla vite. Elle se fit dépasser par tous les guerriers. Le souffle court, les poumons en feu, elle s'accrochait à chaque fois qu'une nouvelle personne la doublait, essayant de perdre le moins de terrain possible. Quand elle commençait à trébucher, à avoir un brouillard devant les yeux, elle vit que le groupe s'était arrêté. Elle les rejoignit. Elle se retrouva à genoux sur un sol ferme. Elle haletait et tentait de reprendre sa respiration. Elle posa son sac, comme les autres. Par terre, des aiguilles formaient un tapis agréable au pied. Elle les toucha. La douceur avait quelque chose d’étonnant dans ce monde. Elle releva la tête en cherchant ce qu’il se passait. Elle entendait les goulques grogner. Elle se releva pour se rapprocher d’elles. Elle les retrouva au pied d’un arbre. Elle leva la tête. La ramure couvrait un vaste secteur. Tout le groupe était en dessous. Chamli espérait que rien de dangereux n’existait dans ces branches. Les goulques s’étaient assises au pied du tronc. Elles grognaient de satisfaction. Chimla entendit Mafgrok  parler :
Tu es sûr de ce que tu dis ?
Oui, il a séjourné ici. Regarde !
Le gardien montra le tronc. Chimla qui s’était assez rapprochée, découvrit le tronc. Il était couvert d’épines triangulaires. Le gardien montrait certains endroits.
Il a coupé des épines et fait des marches. Je ne sais pas comment il a évité de se blesser mais il a réussi à monter. Les goulques sont formelles. Il faut aller voir en haut ce qu’il a laissé.
Tordak se tenait au premier rang. Chimla se glissa jusqu’à lui.
Tu connaissais ces arbres ?
Oui, ce sont des riek. Leurs épines les protègent. Ils sont les seuls endroits sûrs dans les mondes noirs.
Mafgrok regardait le tronc de riek. Il mit ses mains dans les endroits libres d’épines, puis mit ses pieds là où d’autres places avaient été libérées. On le vit s’élever. On entendit sa voix :
Il y a une place qui a été dégagée.
On l’entendit fourrager, puis il redescendit.
Il n’y a rien, là-haut.
Il a dû dormir et repartir, dit un des gardiens.
Je crois, répondit Mafgrok. On va se reposer là, et on repartira tout à l’heure. Le sol est sec et la nuit encore longue. Les scorpions volants nous laisseront tranquilles.
Il enleva son masque. Se retournant vers le groupe, il dit :
Bgail, amène à manger !