Quand se promènent les mots, des histoires prennent corps. Que ce lieu leur serve de repos.
jeudi 29 décembre 2011
Le dislocateur était revenu
Le dislocateur était revenu le lendemain à la clairière. Les loups noirs l'avaient précédé. Ils avaient dispersé ses tas. La femme avait presque disparu. De l'enfant il ne restait que quelques lambeaux de vêtements. De l'homme étranger, il ne trouva aussi que quelques fragments de ce qu'il portait et une main entière, la droite. Il pensa qu'il pourrait récupérer l'anneau sur le majeur maintenant que les loups étaient passés. Il continua l'inventaire de ce qui restait. Il fut étonné. Tous les restes des villageois étaient présents. Il eut un instant de panique. Cela n'était pas normal. Les loups noirs d'habitude mangeaient tout ou rien mais jamais il ne les avait vus sélectionner comme cela. Il remit au lendemain le projet de prendre la bague de l'étranger pour lui. Il sortit de sous ses fourrures un bâtonnet de spimjac. Cette herbe avait la propriété d'apaiser les loups noirs. Il en utilisait régulièrement et fumait ses vêtements avec. Autant les citadins adoraient des esprits divers, menés par leur sorcier, autant le dislocateur comme tous les marginaux de la forêt et des montagnes neigeuses rendait un culte au Grand Loup Noir. Il connaissait les deux meutes qui passaient assez régulièrement par la région. La plus impressionnante était menée par une grande louve au regard rouge. C'est cette meute, il en était sûr, qui était à l'origine de ce prodige. Il se remit à l'œuvre, prenant bien soin de ne pas toucher aux restes des étrangers. Le soir venu, il avait presque fini le transfert. Si demain, il trouvait encore quelque chose, il l'emmènerait vers la faille. Il leva le regard. La nuit tombait vite, comme toujours en cette saison. Cotban devait tenir le ciel car il n'y avait pas un nuage. Le vent venait des montagnes neigeuses. Il était glacé. Les étoiles brillaient. Le dislocateur récupéra le bois qu'il avait ramené lors de ses voyages de retour. Il se félicita. Il avait bien travaillé. La clairière était presque nettoyée et il avait un bon chargement de bois. Au moment où il chargeait le premier fagot, un hurlement se fit entendre au loin vers le col de l'homme mort. Comme toujours, il eut une pensée pour cet homme dont on ne savait rien, retrouvé gelé là et qui avait donné ce nom au col. Lui aussi était un étranger. La lune était pleine. Un cycle s'achevait. Encore une dizaine de cycle et le printemps arriverait. Il se pencha pour prendre le deuxième fagot. La lumière baissa brusquement. Le temps qu'il se relève, elle était revenue. Une odeur flottait dans l'air. Une odeur qu'il ne connaissait pas. Il se pensa en danger et hâta le pas vers sa grotte d'habitation.
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