dimanche 1 janvier 2012

La femme de Chountic

La femme de Chountic, Sealminc, fut heureuse de soulager la tension de ses seins. L'enfant buvait bien. Brtanef, puisqu'il fallait lui donner ce nom, semblait se satisfaire de son sort. Il avait bien dormi. Sealminc vivait la peine de la perte de son fils. Elle savait qu'elle ne pouvait rien dire. Chan avait donné un enfant de remplacement. Il n'y avait rien d'autre à faire que de l'élever comme s'il était vraiment Brtanef. Elle savait que nulle part dans la ville, elle ne pourrait se plaindre. Peut-être chez La Solvette mais même là, Sealminc ne savait pas si elle serait à l'abri des préjugés et des obligations de la société de la ville. Elle recoucha Brtanef en ruminant ses pensées. L'enfant l'avait regardée de longues minutes lors de leur première rencontre. Elle s'était sentie jugée, jaugée. Elle ne savait pas elle-même si elle en voulait vraiment. Puis l'enfant avait commencé à pleurer. Elle lui avait donné le sein. Il s'était calmé. Elle avait l'impression qu'ils venaient de passer une sorte de pacte entre deux êtres blessés, elle sans fils, lui sans parents.
Chountic avait accueilli cet enfant avec plaisir. Déjà âgé pour un homme de la région, il n'avait pas une grande descendance. Il avait un autre fils vivant. C'était peu pour assurer les travaux dans les champs et dans les grottes. Chountic avait déjà été marié. Sa première et ses enfants avaient été emportés un sombre hiver par une coulée de neige. On ne les avait retrouvés qu'au printemps suivant en bas de la combe aux loups. Les parents de Chountic et ses frères avaient, eux-aussi, connu une fin tragique. Tous ces morts avaient donné à Chountic la réputation d'avoir le mauvais œil. Malgré cela, il avait retrouvé une femme facilement. Il était plus riche que la plupart des habitants de la ville puisqu'il avait regroupé les biens de plusieurs par le jeu des successions. Il avait été flatté d'avoir une femme jeune à son bras et dans son lit. Il avait déchanté rapidement. Les grossesses ne venaient pas. Malgré les soins de La Solvette et les rites de fertilité, elle ne faisait pas d'enfant ou si peu. Il avait un premier fils vivant mais un peu chétif, quant au deuxième... Et bien, il verrait si le remplaçant valait mieux que l'original. Pour le moment, il devait louer les bras de journaliers pour que le travail soit fait. Cela ne lui plaisait pas. Il aimait garder son bien.

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