mardi 10 janvier 2012

Le dislocateur ne comprenait plus


Le dislocateur ne comprenait plus. Il avait pu s'occuper de toutes les dépouilles sauf de celles des étrangers. Les loups noirs étaient venus camper dans la clairière. Chaque fois qu'il approchait de ce qui restait des étrangers, la grande louve grognait. Il connaissait ce sourd grondement. Il savait qu'il était employé dans le langage de la meute. Ce grondement était un signal. Celui qui l'entendait obéissait ou alors il devait défier le dominant. Jamais le dislocateur n'avait pensé qu'un loup le considérerait un jour comme faisant partie de sa meute. Il n'avait pas insisté mais avait brûlé plusieurs fois du spimjac. La grande louve avait posé son regard rouge sur lui pendant qu'il lui offrait la fumée du spimjac. Il avait vu brûler ses yeux avec plus d'intensité devenant presque comme deux petits soleils. Puis elle les avait fermés se mettant à ronronner comme un gros chat. Un mâle s'était approché et avait grondé. Le dislocateur avait jugé prudent de prendre du recul. Le loup noir l'avait regardé partir sans le poursuivre, a priori satisfait de sa soumission. Il s'était alors couché près de la louve. Un deuxième mâle s'approchait à son tour. Le dislocateur connaissait ce rite pour l'avoir déjà vu dans la meute. Tous les mâles allaient venir le défier. S'il se rebellait, il y aurait bataille et le vainqueur aurait rang avant le vaincu. S'il ne disait rien, il serait l'oméga de la meute, celui qui prend tous les coups et qui sert d'exutoire aux autres. Le dislocateur recula encore une fois. Quand le troisième s'approcha, il vit que la louve le regardait. Il s'accroupit en mettant une main à terre. Le loup s'arrêta non loin et se mit à gronder. Le dislocateur répondit sur le même ton. Il vit le loup se ramasser prêt à bondir. Il bondit le premier. Le choc eut lieu dans les airs. Plus lourd et plus massif que le loup, le déplacement tourna à son avantage. Le loup retomba sur le dos. L'homme réussit à lui tomber dessus avant qu'il ne soit sur ses pattes. Puissant et nerveux le loup tenta de se redresser. Le dislocateur était presque trois fois plus lourd que lui. Il avait refermé ses mains sur le cou de loup et tenait la tête à distance en serrant de toutes ses forces. Le loup poussa un jappement et cessa le combat. L'homme le lâcha. Le loup partit la queue basse. Le dislocateur regarda les autres mâles de la troupe. Aucun ne s'approcha. Il regarda autour de lui, se méfiant d'une possible attaque, mais la louve avait redressé la tête et les oreilles. Les autres loups retournèrent à leurs occupations sauf un jeune mâle de l'année qui vint défier son vaincu. Le combat fut aussi bref. Le jeune fut mis sur le dos d'un seul mouvement. Il n'insista pas et présenta son cou. L'autre grogna une fois et partit vers la forêt. L'homme se releva de toute sa hauteur. D'un pas lent, il partit vers sa grotte.

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