Sstanch fut chargé de
rencontrer les extérieurs. Il avait demandé à Kalgar de
l'accompagner. Sa haute stature et son courage étaient un atout. Il
avait aussi choisi trois autres gaillards de la même taille. Il
sortit ainsi avec quatre hommes d'escorte, laissant ses miliciens à
l'intérieur. Il avait donné ses ordres à Filt au cas où. Il
voulait faire bonne figure devant le prince étranger, en tout cas
lui faire comprendre qu'une bataille contre la ville, lui coûterait
cher, alors qu'il était loin de ses bases de ravitaillement. Sur la
palissade rebaptisée remparts, les archers se tenaient prêts, l’air
aussi menaçant que possible. C’était surtout une idée de Chan.
Sstanch lui avait expliqué que les extérieurs connaissaient la
portée des arcs de la ville, qu’il était inutile d’aligner des
archers incapables de lui venir en aide voire pire, susceptibles de
lui lâcher une flèche dans le dos par maladresse. Chan était resté
sur ses positions. Sstanch et son escorte marchaient vers le camp des
extérieurs en espérant que personne ne ferait de bêtises derrière
eux. Ils furent soulagés de dépasser la pierre qui bouge. Ils
étaient maintenant à l’abri des flèches amies. Devant eux, les
sentinelles les avaient regardés arriver sans manifester le moindre
sentiment. Elles ne s’étaient même pas mises en alerte. Sstanch
avait vu le signal annonçant leur arrivée. Le petit groupe passa
entre les deux sentinelles. Celle de droite, lui fit un signe,
indiquant une direction. Sstanch s’avança pour découvrir un camp
impeccablement aligné. Les hommes le regardaient passer sans
manifester d’intérêt particulier. Il remarqua qu’ils avaient
tous une arme à portée de main. « Belle armée ! »
pensa-t-il. Il rêva un instant d’en diriger une semblable. Il
aperçut le prince Quiloma assis sur une couverture posée sur un
bloc de neige. Muoucht était debout près de lui. Le prince
discutait avec des guerriers devant une peau de bête étalée devant
eux. Dessus Sstanch aperçut des dessins dont il ne comprit pas le
sens. Une lance le stoppa dans son élan. Un garde l’avait bloqué
dans sa progression. Sstanch prit la lance courte qui lui barrait le
passage. Il l’aurait bien repoussée s’il n’avait entendu le
bruit des armes sortant de leur fourreau autour de lui. Une dizaine
de guerriers extérieurs l’arme au poing, entourait le petit
groupe. Sstanch n’insista pas et recula légèrement. Comme un
rouage bien huilé, la lance disparut de devant lui et les armes
regagnèrent leurs étuis.
- Qu’est-ce qu’on
fait ? demanda Kalgar à mi-voix.
- Rien, on attend le bon
vouloir de l’extérieur.
Le ciel se voilait
doucement. La neige arrivait pensa Sstanch. Le froid serait bientôt
là. Il se dit que cela ne changerait rien pour ces hommes aguerris.
Il ne voyait pas les habitants de la ville se battre dans une
bourrasque. Chan vivait dans l’illusion qu’il y avait assez
d’hommes pour repousser et vaincre les extérieurs. Sstanch savait
qu’hormis la vingtaine de volontaires qui accompagnaient
habituellement la milice, tous les autres combattants ne valaient
rien sur un champ de bataille. L’attente se prolongeait. Les
premiers flocons se mirent à tomber quand le prince fit un geste.
Immédiatement la lance qui lui avait barré le chemin, servit à le
pousser dans le dos. Quand son escorte voulut avancer, on lui barra
le chemin. Sstanch s’arrêta, se retourna et leur fit signe de ne
pas bouger.
- Enahrlsir dinanrpa dje
nmqirndau.
- Il demande ce que tu as
à lui dire, traduit Muoucht.
- Nous avons vu les
personnes qu’il cherche et je peux le conduire là-bas…
Muoucht traduisait en même
temps. Sstanch vit les yeux de Quiloma s’allumer d’une lueur
d’intérêt.
- … mais ils sont morts.
Muoucht n’avait pas fini
de traduire que Quiloma avait attrapé Sstanch par le devant de sa
veste de fourrure.
- Starinfuo qahdjoz
- Qu’est-ce que tu veux
dire ? traduit Muoucht.
Sstanch se mit en devoir
de raconter les loups noirs, la bataille de la porte des hautes
terres, la fièvre de la femme, la blessure de l’homme, la
faiblesse de l’enfant. Quiloma scrutait la bouche de Muoucht pour
en déchiffrer les paroles. Traduire était difficile pour lui.
Muoucht parlait un peu la langue des extérieurs mais avait des
difficultés à traduire tout ce que Sstanch disait. Sur la fin du
récit, il se dit que Quiloma avait compris. Celui-ci se retourna
pour lancer deux ordres brefs. Vingt guerriers et dix archers furent
immédiatement prêts.
- Conduis-nous !
traduit Muoucht.
Sstanch allait obéir
quand il vit le regard de Kalgar et des autres.
- Je ne peux pas sans mon
escorte. La clairière est sacrée. Je ne peux y aller seul.
Pour donner du poids à
ses paroles, il se croisa les bras sur la poitrine, refusant de
bouger.
Quiloma le regarda, sembla
le jauger, puis donna un ordre.
- Il dit :
« Attention à toi, si ce que tu dis est faux ! »
Les dix hommes qui
entouraient Kalgar et ses compagnons se mirent en position autour
d’eux. Sstanch leur fit signe d’approcher. Ils reprirent leur
position autour de lui.
Du haut de la tour malgré
la visibilité qui baissait à cause de la neige, Filt vit partir
Sstanch et son escorte entourés d’une quarantaine d’extérieurs
l’arme à la main.
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