samedi 14 avril 2012


Kalgar bénissait son métier qui lui permettait d’avoir chaud malgré la rigueur du temps. Sa fille poussait bien. Elle lui avait souri. Il avait fondu. C'est tout juste s'il entendait le vent qui faisait siffler la cheminée. Il prenait l'habitude de voir les extérieurs dans son atelier. Aujourd'hui, il ne faisait même pas attention à eux. Il avait un long travail pour réparer les outils pour cultiver les machpes. Il avait vu Muoucht venu pour lui traduire les demandes des extérieurs. Il en avait profité pour demander des renseignements sur ces pierres noires qu'il avait vu utiliser. Son interlocuteur avait eu l'air étonné qu'ils ne les connaissent pas. L'homme qui portait un anneau rouge au majeur droit, avait déclaré qu'il allait en discuter avec ses chefs pour qu'on en donne un peu à Kalgar pour qu'il fasse le travail pour eux. L'esprit de Kalgar était à la fois occupé à la tâche du jour et à imaginer ce qu'il allait essayer s'il obtenait ses pierres noires qui brûlaient si bien.
Chan écoutait le vent. Il était dans le même état d'esprit que le temps. Devant lui le malch noir attendait qu'il y touche. Il n'arrivait pas à croire que la situation était ce qu'elle était. De mémoire de chef de ville, cela n'avait jamais existé. Il cherchait où était la faute. Pourquoi les esprits s'en prenaient ainsi à eux? Ses pensées dérivèrent sur les sorciers. Il vécut la perte du vieux maître sorcier comme une catastrophe de plus. Le jeune maître sorcier avait disparu. Le maître sorcier Natckin ne valait pas ses maîtres. Il pensait qu'il avait toujours obéi aux esprits. Il en était bien mal récompensé. Il but un peu de malch noir. Ses pensées dérivèrent vers les sombres tunnels où se préparait la récolte hivernale. Ce qu'il avait vu ne le réjouissait pas. Les pots de machpe ne se remplissaient pas vite. Rinca était moins pessimiste que lui. Il avait déjà vu des mauvais débuts de pousse qui avaient bien été compensés par un fin de saison floride. Chan aurait aimé croire Rinca. Il restait pessimiste surtout avec toutes ces bouches à nourrir. Les extérieurs chassaient, mais ils vidaient aussi les réserves de la ville. Il se félicitait du départ de grand chef qui était arrivé, cela avait fait baisser les exigences des occupants. Il fallait bien leur donner ce nom. Les extérieurs devenaient des occupants. Il ne croyait pas, non plus, qu'ils allaient trouver ce knam d'anneau. Vu toute la neige qu'ils avaient remuée, ils l'auraient déjà trouvé. Comment allait-on pouvoir répartir la pénurie? Chaque maison allait vouloir garder ses provisions. Il n'avait pas d'exemple de partage facile. Lors de la dernière famine quand le père de son père vivait, ils avaient eu recours à la force pour obliger certains à partager. Aujourd'hui, il ne pouvait pas prévoir, tout dépendait d'évènements qu'il ne pouvait maîtriser. Chan avait l'impression de tourner en rond. Il finit son verre et alla s'occuper de ses propres grottes.
Kyll écoutait le hululement du vent et le crépitement du grésil sur la roche, assis le dos à la paroi, les genoux ramenés sous le menton. Un enfant de Sioultac mettait une main ou deux mains de jours pour passer. La première était passée sans qu'il ne semble s'affaiblir. Les quatre amis avaient investi la chambre reculée de la grotte de la médiation pour en faire le lieu de leur repos. Le petit couloir qui allait vers la salle aux machpsapsa, avait été déclaré sacré par Kyll sans que les autres ne s'y opposent. Le Crammplac allait et venait sans se soucier du temps. II ne semblait pas affecter par les bourrasques. Sa chasse était souvent fructueuse. Il ramenait aussi du bois mort pour entretenir le feu qui brûlait au fond de la grotte à l'entrée du passage.
- Tes rêves sont-ils agréables ? demanda Rhinaphytia.
Kyll releva la tête.
- Pas tellement, Rhina. Je pense à la ville, au temple. Comment s'en sortent-ils? Je continue à m'interroger sur cet appel qui m'a fait tout quitter.
- Pourquoi ne ferait-on pas un rite divinatoire?
- On peut en dehors du temple? Intervint Nomenjaari
- Je pense, reprit Kyll, j'ai fait quelque chose comme cela en goûtant au machpsapsa.
- Tonlen m'a toujours appris qu'on ne le pouvait pas!
- Pourtant à la grotte de la médiation, il y a des rites.
- Oui mais ce ne sont pas ceux du Temple. On ne peut faire une divination en dehors du Temple. Tonlen est formel.
- Qu'est-ce qu'on risque à essayer ? demanda Rhinaphytia. Avec cette tempête, ça nous occupera.
- Tu manques de respect aux rites, dit Nomenjaari
- Ne vous disputez pas, intervint Iaryango, vous avez tous les deux raisons. Les rites sont importants, mais pourquoi ne pas profitez de ce temps d'attente pour tenter quelque chose.
- Iaryango a raison. Nomenjaari que te faut-il pour m'assister dans un rite de divination?
Ils se mirent tous à la préparation. Ils transposèrent ce qu'ils savaient faire dans le Temple à la grotte de la médiation. Sans bougie, ils utilisèrent des torches. Sans bois odorant, ils brûlèrent des morceaux de machpsapsa. Kyll entra très rapidement en contact avec le monde des esprits. Par rapport à d'autres, il en gardait la mémoire. Il vit la ville sous la domination des extérieurs. Le mot « occupation » résonnait chez tous les habitants de la ville. L'espoir manquait. Pourtant l'avenir n'était pas complètement noir. Une lumière, petite mais nette, s'élevait des enfants. Kyll ne les reconnut pas. La scène n'était pas claire. Il ne savait s'il se situait dans le passé ou dans l'avenir. Il se concentra sur l'enfant qui lui semblait le plus prometteur. Il s'en approcha. Au moment où il pensait pouvoir prendre contact avec l'esprit de l'enfant, ce fut comme s'il avait reçu une gifle magistrale. Il sortit brutalement de la transe :
Kyll dit :
- L'enfant d'hiver fait revenir l'été !

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