La porte de la Solvette faillit
exploser sous la poussée. Elle foudroya du regard les hommes qui
entraient. Ils s'arrêtèrent tous penauds, ne sachant quoi faire.
Ils portaient un brancard. Un autre homme pénétra dans la grande
pièce qui servait de maison à la marabout du village.
- Qu'est-ce que vous voulez ?
- Sle (Il est blessé, soigne-le!).
- Pourquoi ferais-je cela ?
Muoucht entra juste à ce moment-là
pour traduire. Qunienka se tourna vers lui pour comprendre ce que la
femme disait.
- Quiloma (C'est le prince neuvième
Quiloma, tu dois le soigner !).
- Il n'a pas fait du bien à la ville.
répondit la Solvette sans attendre que Muoucht traduise ces paroles.
- Tu comprends ce qu'il dit ?
interrogea Muoucht
- Oui, le sens de leurs paroles est
clair. Je ne suis pas prête à aider ceux qui sont capables de tuer
comme cela.
Méaqui entra à ce moment-là. Il fit
un signe à Qunienka qui lui résuma ce qui arrivait. Il prit la
parole :
- Ftem (Femme, soigne-le et la paix
régnera ou laisse-le mourir et la mort visitera tout ce village).
- Salaud ! dit La Solvette en faisant
signe aux porteurs d'avancer.
- Tmi (Laisse deux groupes ici, pour
surveiller, Qunienka !).
La Solvette se retourna brusquement,
s'avança vers Méaqui, le fixa dans les yeux et articula froidement
:
- Vous pouvez dire ce que vous voulez
mais dans cette maison, c'est moi qui décide.
Elevant la voix, elle cria:
- Dehors, tous !
Le vent s'engouffra par la cheminée et
souffla telle une tempête dans la pièce, poussant les hommes vers
la porte. Méaqui avait pâli à l'apparition du vent. Luttant contre
lui pour ne pas courir, il sortit quand même plus vite qu'il ne
l'aurait voulu. La porte claqua toute seule derrière lui.
La Solvette, restée seule avec le
blessé, s'approcha du brancard. Avec des gestes très doux, elle
libéra les attaches et les couvertures, découvrant Quiloma
inconscient. Il était brûlant de fièvre. Le sang séché formait
de grandes traces brunes sur le blanc de son vêtement. Certaines
zones suppuraient avec cet aspect humide et malsain qui fit faire la
grimace à la Solvette. Ils lui avaient amené un quasi mourant. Elle
découpa les vêtements fronçant le nez quand certaines odeurs la
touchaient. Elle se posa la même question que Méaqui. Comment cet
homme avait survécu avec de telles plaies au blizzard ? Elle fit un
geste vers la cheminée, le feu se ranima. Elle poussa la paillasse
vers le feu pour mieux voir. Le crammplac avait entamé le cou un
peu, puis ses griffes s'étaient enfoncées dans la cage thoracique,
éclatant les côtes. Les quatre lignes de griffures s'achevaient
sous le nombril en ayant dilacéré la paroi du ventre. Elle continua
à le dévêtir. Enlevant les vêtements souillés de sang, de
sanies, d'excréments, elle le mit à nu. Elle porta le tas au feu,
ne gardant que le gant gauche à cause de l'anneau de couleur teint
au niveau du majeur. Elle regarda quelques instants les flammes
dévorer joyeusement ce curieux combustible. Elle se retourna vers
Quiloma toujours inconscient. Elle le trouva beau et fut choquée de
pouvoir penser cela. Elle refoula cette impression et se concentra
sur les soins qu'il nécessitait.
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