La fin de la tempête fut assez
brutale. Le silence se fit, laissant les hommes et les bêtes
étonnés. L'aube pâle se levait. Un vent moyen poussait des nuages
qui s'effilochaient. Une certaine tension régnait dans le temple
occupé. Qualimpo et Mitsiqui s'interrogeaient sur les chances de
voir revenir les chasseurs. Méaqui avait envoyé ses hommes faire le
guet pour signaler l'arrivée de Quiloma. La matinée passa
lentement. Les villageois profitaient du calme pour arranger ce que
ce fils de Sioultac avait détruit ou abîmé. S'ils lançaient des
regards toujours apeurés vers les soldats, ils travaillaient sans
s'arrêter. Un groupe dirigé par le chef était même venu pour
réparer le toit d'une dépendance du temple. On les avait laissé
faire. Au repas de la mi-journée, à la table où mangeaient les
princes et leurs seconds, l'humeur était morose. Les guetteurs
n'avaient rien vu venir. Méaqui se forçait dans la bonne humeur en
expliquant que ce « franc-tireur » de Quiloma avait
sûrement trouvé un abri et qu'on allait le voir débouler bientôt.
Qualimpo voyait mal le groupe survivre. La tempête avait duré trois
fois une main de jours. Rester dehors par des froids pareils avec
rien à manger et probablement sans feu, ne laissait que peu de
chance de survie au groupe. Qunienka était mal à l'aise pour se
positionner. Il faisait confiance à son prince pour trouver un moyen
de survivre, mais il avait déjà participé à plusieurs chasses au
crammplac poilu. Dix hommes contre une telle bête était une folie.
Son instinct le poussait à croire le
pire, son attachement à son prince à faire confiance. L'autre sujet
tourna autour de la conduite à tenir avec la recherche de l'anneau.
Si le retour de Quiloma restait une question ouverte, celui de
Jorohery ne semblait faire aucun doute. Les deux princes se mirent
d'accord pour laisser un ou deux jours de repos aux hommes après
cette tempête et de fouiller une dernière fois la clairière en
attendant les volontés de Jorohery.
L'après-midi s'étira en longueur. Les
ombres montaient du fond des vallées quand le guetteur donna
l'alerte. Quelques hommes arrivaient du col avec un traîneau tiré.
- Ils n'auront pas le temps d'arriver
avant la nuit. Ils vont lentement.
- Envoyez cinq groupes avec des torches
! dit Méaqui.
Du haut de la tour de guet, les deux
princes regardaient le petit groupe qui avançait doucement. Mazomena
de la phalange de Qualimpo, reconnu pour sa vue perçante, observait.
- Cinq hommes, mon prince ! Ils tirent
une civière avec une forme allongée.
- Peux-tu les reconnaître ?
- Non, mon prince ! Ils ont l'habit de
la phalange du prince neuvième, mais je ne vois pas celui qui est
allongé.
Méaqui jura entre ses dents.
- Je n'aime pas cela.
Maintenant les ombres mangeaient la
vallée. Il ferait bientôt nuit. Les cinq groupes progressaient
vite.
- Il doit y avoir un blessé.
Descendons !
Mazomena continua sa veille pendant que
les princes rejoignaient le temple. Il vit les groupes progresser,
les premières torches allumées à la nuit tombante. Il comprit que
la rencontre s'était faite quand leur progression cessa. Puis très
vite, il les vit redescendre. Il sentit leur inquiétude à la hâte
avec laquelle ils revenaient vers le village. Mazomena rejoignit le
temple pour prévenir les princes. En arrivant en bas de la tour, il
remarqua que Qunienka attendait à la porte.
Ce fut l'effervescence à l'arrivée de
l'expédition. Chaque groupe avait prit en charge un des chasseurs.
Le premier qui arriva fut celui qui tirait la civière.
« Le prince est blessé »
furent les premiers mots qu'entendit Qunienka. Il se précipita.
Écartant les couvertures, il vit le visage du prince. Il était
gris. Qunienka eut peur. Sur un signe de lui, le groupe repartit vers
le temple.
Allongé sur une banquette près du
feu, Quiloma avait la respiration courte et sifflante. Méaqui se dit
qu'il allait mourir. Il n'y avait aucun marabout guérisseur pour lui
venir en aide. Qunienka l'avait installé du mieux qu'il pouvait. Il
avait participé à assez de combat pour savoir que les chances de
son prince étaient faibles. Par rapport à d'autres commandants
qu'il avait eus, Quiloma avait su se faire aimer de ses hommes. Un
konsyli demanda audience. Qunienka sortit de la pièce pour le
recevoir.
- Combien de temps? demanda Qualimpo à
Méaqui.
- Pas beaucoup. Le crammplac l'a
salement ammoché. Je suis même étonné qu'ils aient réussi à le
ramener.
- Et Jorohery?
- Pas de nouvelle. J'attends que les
hommes se reposent et je les interrogerai.
Qunbienka entra avec précipitation.
- Il y a un marabout guérisseur dans
cette ville ! Ou plutôt une marabout !
- D'où tiens-tu cette information?
- Du traducteur.
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