Le maître de ville était à peine
sorti que Natckin lança les ordres pour faire creuser. Il voulait
savoir.
Les apprentis arrivèrent bientôt avec
quelques outils. Ils commencèrent à creuser le sol au hasard.
Tonlen les arrêta.
- Attendez ! cria-t-il.
Les gens s'arrêtèrent, qui les bras
en l'air, qui en plein effort.
- Vous ne savez pas ce que vous faites.
Le Maître Sorcier n'a pas demandé que vous détruisiez la maison.
Il faut d'abord réfléchir au message. Ce qui est sûr : la volonté
du Maître Sorcier est que nous reprenions les exercices. Alors que
tous ceux qui n'ont pas de travail précis se mettent à leurs
exercices. Que les autres remplissent leur tâche. Et nous, nous
devons nous concerter avec maître Natckin.
Natckin ne dit rien, laissant Tonlen
imposer sa volonté. Quand tous furent sortis, il s'attendait à des
remontrances de la part du maître des cérémonies. Celui-ci
s'approcha de lui et le surprit en lui faisant le salut réservé au
Maître Sorcier.
- J'ai entendu le Maître Sorcier
donner sa volonté, Maître en second Natckin. Vous devez occuper
cette place pour nous. Sans maître cette communauté ne peut que se
détruire. Sans rites, elle ne peut survivre. Nous n'avions aucun
espoir et voilà que notre Maître Sorcier vient nous rendre l'un et
les autres. Vous l'avez entendu, il a fait un rite de divination et
cela hors du Temple.
- J 'ai entendu, Maître des
cérémonies, mais nous ne savons pas où creuser pour trouver le
signe.
- Le signe est déjà donné. Le vrai
Maître Sorcier a parlé, j'en suis sûr. Quant au rouleau, s'il n'a
pas donné de précisions, c'est parce que nous devons savoir où il
est.
- Mais je ne sais pas, moi !
- Que vous manque-t-il pour savoir?
Natckin ne sut quoi répondre. Tonlen
alla chercher Tasmi et le plaça à côté de Natckin.
- Voyez la sagesse du Maître Sorcier.
Il vous adjoint un disciple pour que vous puissiez remplir votre
fonction quand viendrait le moment. L'instant est là.
Se tournant vers Tasmi, il lui dit :
- Où creuserais-tu ? Ne réfléchis
pas, mais sens en toi le lieu.
Celui-ci se sentit important tout d'un
coup. Il se laissa aller à faire ce qu'il fallait pour bien tenir
son rôle. Il ferma les yeux en prenant l'air inspiré. Il jouissait
de l'idée de ces deux maîtres pendus à ses lèvres. Puis la
réalité s'imposa à lui. Il ne savait pas non plus. La peur le
gagna. Qu'allait-il pouvoir dire? Ses yeux affolés se mirent à
chercher une sortie. Promenant son regard de droite et de gauche, il
luttait contre la panique qui arrivait en lui par vagues successives.
Le malheur allait le poursuivre. Il allait trahir la confiance de ses
maîtres en ne sachant pas répondre. Une cache, il lui fallait une
cache pour disparaître aux regards de ceux qui allaient le juger
incapable. C'est à ce moment-là qu'il vit la lueur, ou plus
exactement comme une lumière qui semblait irradier du pas de porte.
- Là, c'est là, hurla-t-il en
désignant le seuil de la grange.
Sur un signe de Natckin, un assistant
se précipita. Le sol était dur, tassé par le passage répété des
hommes et des bêtes. On n'entendit pendant un moment que le bruit
des outils et les « Han! » de ceux qui creusaient. Il y
eut un craquement. Les mouvements se ralentirent. On dégagea des
solives. L'assistant regarda Natckin avant de les dégager. D'un
signe de la tête, il donna son accord. Sous la cloison de bois, ils
découvrirent des rouleaux. Le cœur de Natckin fit un bond dans sa
poitrine. Des rouleaux sacrés!
Les autres participants avaient reculé
en voyant le cylindre de bois. Tonlen, au contraire, s'était
approché. Natckin lui jeta un regard interrogatif.
- Je pense qu'il faut le traiter comme
ceux du Temple. Je comprends mieux le malheur qui a frappé la maison
d'Andrysio s'ils détenaient un tel rouleau contre toutes les règles.
Natckin dégagea avec beaucoup de
respect et de précaution le cylindre de bois. Tous les présents
mirent genoux à terre. Le couvrant de son habit pour le soustraire à
la vue, Natckin se dirigea vers la pièce qui lui servait de
logement. Tonlen lui emboîta le pas. Tasmi courait devant pour
prévenir. Tous les sorciers, apprentis, disciples ou maîtres,
pliaient les genoux sur le passage. Ce fut comme bon feu dans le
grand froid de l'hiver. On retrouvait l'espoir d'un mieux.
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