mardi 15 mai 2012


Quand Quiloma était arrivé blessé, la Solvette l'avait fait installer dans la pièce principale de son habitation. Puis étaient arrivés les ennuis avec les blessés et les malades.
La Solvette habitait une grande maison. Beaucoup se demandait comment elle pouvait vivre seule dans cet endroit. Ceux qui y étaient entrés, décrivaient une pièce grande comme une grange, encombrée d'herbes de toutes sortes, aux senteurs étranges, avec un feu qui semblait brûler en permanence sous un chaudron où cuisait on ne savait pas trop quoi. Les quelques courageux qui avaient regardé plus en détail, ou bien ceux qui avaient séjourné comme blessés, décrivaient une pièce à la chaude ambiance rassurante. La Solvette semblait être partout à la fois, autour du feu pour cette soupe revigorante qui mijotait dans le noir chaudron, auprès de chaque personne qui reposait dans une des alcôves souvent cachée par les lourdes tentures qui en faisaient un espace privé, auprès des différents animaux qui surgissaient d'on ne sait où, chercher une caresse, un soin, ou encore plus étrange, venaient apporter qui du bois, qui des baies, et qui repartaient discrètement, on ne savait comment.
Elle avait mis Quiloma pas très loin du feu. Tout s'était bien passé au début. Les étrangers comme les locaux, restaient sur le seuil de la porte, intimidés par la sensation de puissance contenue. Ceux qui avaient voulu aller plus loin, étaient ressortis encore plus vite, poussés par un vent violent qui semblait obéir à la Solvette. Les premiers blessés qu'elle avait accueillis, n'avaient rien dit. Serviteurs ou subalternes, ils avaient trop de crainte ou de respect pour dire ou faire quelque chose. Elle sentait bien leurs sentiments, aussi noirs que son chaudron, quand leurs pensées se tournaient vers Quiloma. Mais cela n'allait jamais très loin. La douleur, la fatigue et le confort du lieu, atténuaient le ressentiment.
Elle avait senti le changement à l'arrivée de Bislac. Son histoire était dure et sa haine féroce. Il devait se lier avec une fille de la maison Andrysio. L'action des extérieurs avait détruit ses espoirs et éveillé en lui le démon de la haine. Savoir son ennemi à côté le rendait fou. Cela avait commencé à la forge. Apprenti chez Kalgar, il devait supporter la proximité de ceux dont il souhaitait la mort. C'est à cause de cela d'ailleurs qu'il s'était si gravement brûlé. Kalgar, l'avait rappelé à l'ordre plusieurs fois, le mettant en garde contre son inattention. Les rappels avaient été de plus en plus secs au fur et à mesure que la haine emplissait son cœur, jusqu'à ce jour maudit où ils lui avaient volé son pied. C'étaient ses mots à son arrivée. La Solvette l'avait fait parler après lui avoir donné une potion calmant la douleur. Elle avait ainsi pu reconstituer les faits.
Tout à sa rancœur Bislac était devenu un ouvrier distrait. Pourtant son rôle était important. Il surveillait et apportait le métal en fusion pour le couler dans les moules. C'est alors que le creuset atteignait presque la température idéale qu'il l'avait renversé. Heureusement pour lui, la plus grande partie du métal en fusion l'avait évité. Le peu qui l'avait touché, venait de le rendre estropié pour la vie. La Solvette n'avait jamais encore vu de telles brûlures. Dénudant le pied jusqu'à l'os, le métal avait fait disparaître les tendons et la chair. Il ne devait la vie qu'à Kalgar qui avait eu le réflexe de lui mettre le pied dans l'eau pendant qu'il éteignait l'incendie qui naissait dans l'atelier. Bislac souffrait peu physiquement malgré l'importance des lésions. Sa souffrance était surtout morale. Le responsable était tout trouvé, c'était l'étranger qui après lui avoir volé sa promise, lui volait sa santé et son avenir.
La Solvette l'avait pansé et installé près de la porte, à l'opposé de Quiloma. Celui-ci toujours aussi faible, n'avait que de rares moments de conscience. Elle commençait à espérer qu'il allait s'en sortir. Tous les jours son second venait, et restait un moment près de lui. Elle sentait la vénération dont Miaro entourait Quiloma. A sa première venue, il avait voulu entrer avec ses guerriers. La Solvette s'était mise devant lui. Ils s'étaient fixés dans les yeux. Miaro avait baissé les yeux le premier. Il voyait lui aussi les progrès. Le regard qu'il portait à la Solvette changeait aussi. L'admiration commençait à s'y lire. Elle respectait cette intimité entre les deux hommes.
C'est le chenvien qui errait la nuit dans la maison qui l'avait réveillée. A son comportement, elle avait compris que quelque chose n'allait pas. Elle s'était précipitée dans la grande salle. Bislac, appuyé sur une béquille, avait tiré la tenture de l'alcôve de Quiloma et s'apprêtait à le frapper avec le couteau pris près du feu.
- NON ! hurla la Solvette.
Quiloma entrouvrit les yeux. Au-dessus de lui, un couteau visait son cœur, derrière comme une apparition brillant comme la dame blanche des glaces, la silhouette de la Solvette. Ses réflexes de combattant jouèrent. Les deux hommes luttèrent, Bislac avec la force de sa haine, Quiloma pour sauver sa vie.
Bislac eut un sentiment de jubilation. Il dépassait en force l'étranger. Il n'avait pas pu éviter de se faire déséquilibrer mais il avait repris le dessus. Son bras retenu par la main de l'autre descendait doucement. La pointe du couteau allait lui percer le cœur. Malgré la douleur qui lui broyait le pied et la cheville, il banda ses muscles pour le dernier effort.
Une poigne de fer lui arrêta le bras. Il poussa un cri. Levant la tête, il ne vit que les deux yeux noirs comme la mort qui le transperçaient. Il se vit dedans, il se vit tel qu'il était réellement. Il hurla, lâchant l'arme, il tenta de fuir au loin. Sentant sur lui ce regard, il se réfugia au plus profond de l'alcôve qu'il occupait.
La Solvette vit Bislac fuir en rampant. A lui qui se croyait victime innocente, elle lui avait fait voir ce qu'il était vraiment. Le choc était tel qu'elle n'était pas sûre qu'il s'en remettrait. Elle repoussa cette idée dans un coin de son esprit pour s'occuper de Quiloma. Celui-ci maintenant que le danger était passé, avait perdu connaissance. Elle ne pouvait le laisser là. Elle posa ses mains sur les tempes de l'homme inconscient. Elle posa son front contre le sien et se laissa aller à ses perceptions. Elle ressentit le monde comme il le ressentait. La connaissance du monde de Quiloma vint en elle. Ce n'était pas des mots, c'étaient des impressions, des souvenirs, des sentiments. Descendant plus profond, elle chercha la source vitale. Elle la trouva. Elle était claire et fraîche. Elle sourit, le crammplac n'aurait pas le dessus. Elle le sentait, il allait survivre et servir encore son roi dragon. Elle pensa que ce monde était aussi plein de superstitions et de règles que celui dans lequel elle vivait.
Se relevant, elle regarda autour d'elle, dans la pénombre de la pièce, elle vit que toutes les tentures étaient tirées. Derrière l'une d'elle, un homme pleurait. Elle s'en occuperait plus tard. Pour le moment, il fallait mettre Quiloma en lieu plus sûr. Elle prit une couverture. Avec d'infinies précautions, elle le roula dessus. Tirant le tout, elle passa la porte de sa pièce privée. Elle l'installa près de son feu. Elle fit un peu plus de lumière, examina les pansements. Elle jura entre ses dents quand elle vit que certaines plaies en bonne voie de cicatrisation s'étaient réouvertes dans le combat. Toujours doucement, elle refit les pansements. Quiloma ne bougea pas. Il eut une grimace de douleur quand elle détacha les herbes collées par le sang. Elle lui passa la main sur le front et dans les cheveux. Ce geste avait le don de l'apaiser. Il se laissa faire dans un abandon total qui la touchait beaucoup.
Laissant Quiloma à la garde des chenviens, elle retourna dans la grande pièce. Bislac pleurait toujours. Elle alla jusqu'à lui. Quand il la vit, il se recroquevilla encore plus. De nouveau, elle passa ses mains dans les cheveux de l'homme en murmurant des sorts d'apaisement. Elle s'assit à côté de lui, tout en parlant doucement. Le moment qu'elle attendait, arriva. Lui prenant les jambes, tel un enfant malheureux, il pleura des vraies larmes de peine. La Solvette avec les mots doux de la tendresse d'une mère, l'accompagna dans ce retour sur lui-même. Quand elle le quitta, il était apaisé, pour la première fois depuis les évènements en paix avec lui-même.
La maison avait retrouvé un peu de calme après cela. Quiloma reprenait conscience de plus en plus souvent. Elle sentait son regard qui la suivait à chacun de ses déplacements. De là où il était, il pouvait voir ce qu'il se passait dans une bonne partie de la grande pièce. Les visites de Miaro étaient devenues plus formelles. Maintenant, il commençait à rendre compte et sans vraiment demander des ordres, il attendait que son prince lui donne des directives. Quiloma tenait son rang, ce qui l'épuisait. Après chacune de ces rencontres, il sombrait dans le sommeil.
Bislac cicatrisait bien, mieux que ce que craignait la Solvette. Il ne pourrait plus marcher normalement. L'amputation ne serait peut-être pas nécessaire. Elle connaissait Kalgar, il le reprendrait. Bien sûr, il n'aurait plus la même vie. Pourtant, elle pensait qu'il pourrait être heureux.
Puis vinrent les temps noirs. La plaie de Quiloma qui avait saigné lors du combat, laissait couler un liquide épais et nauséabond. Sa conscience de nouveau absente, il semblait souffrir en permanence. Les tisanes qu'elle lui faisait boire le calmait mais l'endormait. La Solvette se posa la question de ce qu'elle faisait. Elle se mit à craindre qu'il ne veuille plus lutter et qu'il laisse aller le mal. Il lui aurait fallu une plante de printemps pour le cicatriser mais le printemps était encore loin. La fête des rencontres n'avait pas encore eu lieu. Avant que la plante ne pousse, les grossesses de la fête seraient à terme.
Trop long! pensa-t-elle, beaucoup trop long pour qu'il survive et dans cette civilisation, la mort du prince devrait être rachetée par du sang quand elle n'était pas honorable comme une mort au combat.
C'est dans cette ambiance que Bartone arriva. Dès le premier jour la Solvette eut besoin de lui rappeler les règles de sa maison. Elle n'arrivait pas à lui accorder la confiance comme aux autres pensionnaires. Elle gardait un œil sur lui. Pourtant il ne bougeait pas beaucoup de son grabat. Pâle, les lèvres pincées, il restait couché la plupart du temps la main sur le flanc gauche. Elle connaissait son histoire par les racontars de la ville. Fils disgracié de la famille Andrysio pour une sombre histoire de hors-saison dont personne ne pouvait jurer de qui il était, il avait eu le droit à toutes les corvées. Cela lui avait aigri le caractère mais sauvé la vie. Il était absent car envoyé vérifier les champs de machpe. Ce n'était pas le rôle d'un fils de maison, mais comme d'habitude, il n'avait rien dit à ce père à la voix tonnante et à la punition facile. Resté seul à la tête d'une maison vide et de trois serviteurs, il avait élu domicile dans les grottes. C'est là qu'avait eu le combat qui lui avait coûté cette plaie.
Petit à petit, elle relâcha son attention. D'autres blessés ou malades réclamaient ses soins.
Ce jour-là Quiloma délirait. Miaro était reparti contrarié. Les gardes à sa porte, étaient encore plus nerveux que d'habitude. Ses alcôves étaient toutes vides sauf Bartone qui semblait dormir, et Bislac qui passait le temps en apprivoisant un jako. On voyait peu de ces animaux en hiver. Souvent, ils hibernaient. Ils prenaient une fourrure blanche quand arrivaient les premières neiges et ne reprenaient leur livrée foncée qu'au printemps avancé. Ce jako était arrivé habillé de brun-noir et avait semblé quémander son accueil en offrant un fruit de lamboy. La Solvette avait ri de ses mimiques et avait agréé son offrande. Il s'était alors réfugié près du feu. Le jako était resté très discret jusqu'à l'arrivée de Bislac. Il y avait eu entre ces deux-là un courant qui les avait rapprochés. La Solvette les avait surveillés du coin de l'œil. Un matin en se retournant sur son lit, Bislac s'était retrouvé nez à truffe avec le jako. Il n'avait plus osé bouger, le jako non plus. Ils étaient restés là un long moment, puis le jako avait léché le bout du nez de Bislac avant de se réfugier près du feu. La Solvette lui avait expliqué que l'animal le considérait comme lui et lui avait fait le salut en usage quand deux jakos se rencontrent. Bislac avait acquiescé gravement et depuis ils s'apprivoisaient l'un l'autre.
Pour la Solvette, c'était un Jako-esprit. Elle désignait ainsi les animaux qui fréquentaitent sa demeure. Ils étaient souvent un peu différents de leurs congénères. Ce jako ne prenait pas la livrée d'hiver et acceptait d'être près des hommes. Elle pensait même que le totem de Bislac avait sucité la venue de ce jako-esprit pour aider le blessé à se remettre.
La Solvette était partie s'occuper d'une femme qu'on avait retrouvé inanimée dans le haut de la ville. Bislac jouait avec le jako. Il commençait à apprécier ce petit animal doué de préhension qui lui tenait compagnie. Il entendit gémir dans la pièce d'à côté. Quiloma souffrait. Bislac en fut presque heureux. S'il se sentait moins en colère, il acceptait encore difficilement sa blessure. Il comprenait ce qui l'avait conduit là où il était, il voyait sa responsabilité mais il ne pouvait pas pardonner ce qui était arrivé. Il savait qu'il ne pourrait pas tuer. Il espérait juste qu'il mourrait de ses blessures. Quand arriva le milieu de la journée, il alla près du feu chercher ce qui était préparé pour le repas. Il ressentait la fatigue. Il se posa sur le siège bas et commença à manger cette soupe qui lui faisait du bien. Il pensa qu'il prendrait aussi de l'infusion que la Solvette avait préparée pour calmer ses douleurs et qu'il ferait la sieste. Le jako se mit en position d'alerte. Bislac se retourna. Bartone avançait lentement vers lui. Les traits tirés, tenant son flanc gauche, il marchait courbé. Bislac ne l'avait pas entendu se lever.
- Vous voulez manger, maître Bartone?
- Je vais essayer.
Lui tendant une écuelle et une cuillère, Bislac, lui désigna l'autre siège. Le jako émit quelques jappements rauques pour signifier sa désapprobation à laisser la place. Les deux hommes mangèrent en silence pendant un moment. Quiloma gémit encore derrière la cloison.
- Comment peut-elle soigner un tel monstre?
- Je ne sais pas, maître Bartone. Elle ne sait peut-être pas faire autrement.
- Je l'aurais bien fait taire définitivement, mais elle est toujours là.
- Pas pour le moment. On est venue la chercher pour la servante de la maison Sabosti.
- C'est grave?
- Elle ne m'a rien dit. Elle m'a juste montré où étaient le repas et la tisane pour me calmer.
Le silence revint entre les deux hommes.
Bislac se servit un bol de tisane. Bartone le regarda boire sans mot dire. Il le suivit des yeux encore quand Bislac alla s'allonger. La tenture était restée ouverte. Le jako avait rejoint l'alcôve.
Bartone se baissa et se servit aussi de tisane. S'appuyant contre le mur, il laissa son regard errer sans but dans la pièce. Son flanc lui faisait mal. Quelque chose n'allait pas à l'intérieur. Il sentait cette tension qui devenait déchirement s'il bougeait trop vite.
Le temps passa. La respiration de Bislac se fit régulière. Il dormait. Précausionneusement, Bartone se leva, évitant de faire du bruit. Il s'approcha de l'endroit où dormait Bislac. Il le regarda quelques instants, puis alla chercher un couteau sur le billot de la cuisine. Un rictus mauvais lui barrait le visage. Il n'avait plus rien à perdre. Il s'arrêta pour reprendre son souffle. Depuis le temps qu'il attendait ce moment favorable, il fallait qu'il y arrive. Après quelques instants d'arrêt, il reprit sa progression vers la chambre de la Solvette.
Le jako passa la tête pour observer l'homme. Il ne l'aimait pas. Il avait ses sentiments qui sentaient mauvais. Ce n'était pas comme la Solvette dont les sentiments avait un parfum délicieux pour le jako, ni comme Bislac dont il espérait une longue vie de complicité. Le jako n'avait pas besoin de mot pour comprendre que ce que faisait l'homme n'était pas bien. Il regarda Bislac. Il dormait. Il n'y avait rien à espérer de ce côté. Il fallait qu'il trouve la Solvette. Silencieusement, il courut jusqu'à l'étroit passage dans le mur. Avant de s'y engouffrer, il jetta un dernier coup d'œil derrière lui. L'homme avait repris sa marche. Le jako se mit à courir.
Bartone faisait cinq pas et s'arrêtait. Il en refaisait cinq et de nouveau marquait une pause. Il avait ainsi dépassé la porte et se driigeait vers la couche de Quiloma.
La Solvette descendait la rue du puits ventru quand une boule de poils brun-noir s'agrippa à elle en piaillant. Elle le prit à bras le corps et le tint devant elle. Les expressions du jako étaient imprécises, mais elles sentaient l'urgence et le danger. La Solvette reposa le jako par terre et se mit à courir vers sa maison. Elle passa devant les gardes avec le jako sur le dos et un vol de charcs autour d'elle. Sensibles au sentiment de danger qui émanait d'elle, ils lui emboitèrent le pas et pénétrèrent dans la maison juste derrière elle. Les charcs volaient déjà au-dessus de la cloison séparant les deux pièces.
La Solvette arriva à la porte pour voir une scène de cauchemar. Bartone le bras levé s'appretait à poignarder Quiloma. Elle cria. Un charc plongea mais trop tard. S'accrochant au bras de Bartone, il en déviait la trajectoire. Bartone hurlait sa rage tout en frappant. La Solvette vit le couteau plonger dans le corps de Quiloma à hauteur du pansement d'herbes sur la poitrine. Les gardes derrière elle, hurlèrent et se précipitèrent l'arme haute. Il y eut des cris des bousculades et personne ne put faire un récit circonstancié des faits.
Quand la Solvette se pencha sur Quiloma, il respirait encore. La manche du couteau dépassait du pansement. Bartone, face contre terre, les deux bras coincés dans le dos par des gardes, respirait avec peine.
- Tmo...( Le prince est mort?) demanda le konsyli.
La Solvette fit non de la tête.
Hurlant des ordres, le konsyli fit évacuer Bartone. Dans la pièce d'à côté Bislac, le jako dans les bras regardait la scène avec des yeux horrifiés. Il fut témoin du départ du konsyli au pas de course. Par la porte ouverte, il vit la Solvette, avec des gestes très doux défaire le pansement.
Le temps sembla s'arrêta. Tous semblaient suspendus à ces gestes.
La vie reprit son cours avec l'arrivée de Miaro. Avec des paroles brèves et dures, il donna des ordres. Puis sans s'arrêter, il alla auprès de Quiloma. Il fit comme toujours le salut réglementaire. S'adressant à la Solvette, il dit :
- Mra...( Comment est le prince, marabout?).
Lentement, elle tourna son visage vers lui. Plongeant son regard dans celui de Miaro, elle articula :
- Il vivra.
Il ne comprenait pas les mots, mais le sens était clair. Il fit juste un geste et ce fut une explosion de joie chez les guerriers qui attendaient dans l'autre pièce. Muoucht entra avec d'autres guerriers.
Miaro se tourna vers lui :
- Mra... (Comment est le prince, marabout?, qu'est-il arrivé?).
La Solvette n'attendit pas la traduction :
- Dis-lui que son prince vivra. Bartone voulait le tuer mais il lui a sauvé la vie sans le vouloir. Le couteau a percé un abcès. Le mauvais s'écoule. C'est un bon présage.
Miaro ne quitta pas des yeux la bouche de Muoucht qui traduisait.
La Solvette fit le récit de ce qu'elle avait vu en entrant. Le Charc avait détourné le coup du cœur et avait permis que la lame en glissant sur la côte, fasse sortir les liquides mauvais qui empoisonnaient le prince. Oui, Bartone était un assassin qui en ratant son coup avait sauvé la vie du prince.
Miaro devint perplexe. Un assassin, il savait ce qu'il avait à faire, un héros aussi mais là, il ne savait pas.
- Quiloma...
Muoucht traduisit:
- Le prince Quiloma décidera de son sort. En attendant, nous le gardons prisonnier.
Miaro donna des ordres. Sans ménagement, les guerriers blancs poussèrent Bartone dehors. Il leur emboîta le pas après voir dit une parole à Muoucht.
- Il a dit..
- Oui, je sais ! Il a dit qu'il reviendrait tout à l'heure.
Quand tous furent partis, la Solvette regarda vers Bislac. Il était blanc comme la neige. Le jako lui donnait des petits coups de museau affectueux.
- Viens, lui dit-elle, nous allons boire un coup de malch noir. On en a bien besoin.

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