vendredi 1 février 2013

La vie changea au Milmac blanc. Les militaires durent trouver un autre lieu pour leurs agapes Les flamtimiens avaient investi le lieu. Les murs étaient maintenant tendus de lourdes draperies, et le sol recouvert de tapis. Névtelen avait appris par Schtenkel que la « traversée de l'hiver », comme on commençait à nommer l'histoire de ce voyage, avait coûté plus de la moitié des hommes d'accompagnement du Prince-roi. Malgré l'abandon d'une partie des bagages, ils étaient arrivés chargés d'inutile. C'est ainsi que Schtenkel avait désigné tout le fatras apporté. Les relations furent rapidement tendues enter ceux du Milmac blanc comme ils furent désignés, et le reste de la ville. Mais, ils avaient de l'or. Les autres auberges acceptèrent de vendre une partie de leurs provisions. Ce qui entraîna une montée des prix pour les gens. Alors que l'hiver reprenait de la force depuis l'arrivée des flamtimiens, les habitants de Tichcou durent se rationner pour que le Prince-roi puisse manger sans se priver. Michta avait repris auprès de lui les mêmes fonctions que du temps de Crachtal. Le prince-roi y avait juste mis les formes. Il l'avait nommé maîtresse officielle de campagne. Son rôle était de le servir dans tous ses désirs comme l'aurait fait sa compagne officielle restée au pays. Si cela ne lui conférait aucun avantage auprès du prince-roi, Michta trouvait agréable d'être traitée comme quelqu'un qui compte. Le prince-roi lui avait même promis le Milmac blanc, dès qu'il aurait tué le dragon. Michta avait vu passer les autres chevaliers de Flamtimo. S'ils étaient tous très grands, le prince-roi les dépassait tous. Tout dans sa vie était démesuré. Il ne savait rien faire sans être dans l'excès. Tout le monde savait ainsi que la neige et le froid contrariaient ses projets. Chaque matin, le cérémonial était le même. On entendait craquer le lit et les cris de Michta, puis sa seigneurie apparaissait dans sa tenue de nuit et réclamait haut et fort un petit déjeuner qui l'attendait déjà. Tout en engloutissant ses portions, il réclamait des informations sur la météo. Régulièrement déçu, il jurait et passait ses nerfs en s'entraînant avec ses écuyers. La fatigue aidant, son ire se calmait. Il disparaissait alors pour ses ablutions. C'était la période la plus calme de la journée. C'est souvent à ce moment qu'on voyait Michta, à peu près remise des assauts du matin. Elle mangeait tout en rêvant de ce qu'elle ferait une fois maîtresse du Milmac blanc. Névtelen ne l'enviait pas. Si tout se passait bien, c'est-à-dire si le prince-roi ne l'appelait pas, elle avait même le temps de s'occuper de tout ce qui était nécessaire à la bonne marche de l'auberge. Quand la voix tonitruante se faisait entendre, tout le monde savait que la tranquillité était finie. Le prince-roi prenait son déjeuner seul mais pas solitaire. S'il était seul à table, un aréopage de serviteurs gravitaient autour de lui pour son confort. Il faisait souvent venir Schtenkel, lui faisant raconter encore et encore les différentes expéditions auxquelles il avait pris part. Le prince-roi était persuadé que les échecs précédents étaient dus à l'impréparation. Il pérorait en dévorant son repas sur les différentes stratégies pour vaincre le dragon. Suivait un temps de sieste à laquelle Michta était régulièrement convoquée. A la nuit tombante, il se préparait pour le dîner auquel étaient conviés divers invités comme le chef de ville, ou les commandants de garnison. Michta avait même engagé un nouveau cuisinier, débauché d'une autre auberge, qui s'occupait des fourneaux de Crachtal. L'or n'étant pas un problème, la qualité était au rendez-vous.
Un soir le chef de la ville demanda :
- Je sais que votre épopée mérite la geste que nous entendons et qu'elle est déjà une quasi légende. Mais Prince-roi, pourquoi avez-vous traversé l'hiver pour venir, puisque vous ne pouvez sortir de Tichcou ?
- AHHH ! Les Orrracles sssont clairrrs ! Le drrragon ne passserrra pas la fin de l'hiverrrr.
Le prince-roi s'était arrêté dans son geste, le gobelet à moitié levé. Sans le porter à sa bouche, il continua :
- L’échec des prrremiers asssssauts et la morrrt de Yasss ont rrredonné essspoirrrs aux jeunes chevaliers de Flamtimo. Nos orrracles ont ssscrrruté les combats et le sssang rrrépandu. J'ai, moi-même, perrrsssonnellement donné l'exemple à sssuivre. Mon combat fut sssplendide et le sssang coula abondamment. L'orrracle prrrincccipal sss'est penché sssurrr ccce que buvait le sssable. Ssson avis a été sssans nuanccce. Je sssuis cccelui qui doit rrrencontrrrer le drrragon à sssa fin, mais a-t-il dit, mais ssseulement sssi j'arrrrrive iccci avant que ne fonde la neige.
Les convives avaient les yeux fixés sur le prince-roi. Quand on connaissait les traditions des chevaliers, on pouvait sans peine imaginer ce qu'il s'était passé. Les diseurs d'oracles de Flamtimo étaient connus sur tous les champs de batailles. Le sang répandu leur servait de livre. Les deux commandants se regardèrent, mal à l'aise. Combien y avait-il eu de morts pour cette réponse ? Le prince-roi tout à son histoire continuait :
- J'ai rrrassssssemblé mes vassssssaux et je leurrr ai annoncccé que j'étais l'élu. Tousss ont été volontairrres pourrr me sssuivrrre. Cerrrtains sssont morrrts dans la traverrrsssée de l'hiverrr mais les plus vaillants et les plus forrrts sont là !
Disant cela, il fit un large geste de la main pour désigner les chevaliers présents, éclaboussant les convives au passage. Ces derniers se mirent debout pour applaudir le prince-roi. Les gens de la ville ne savaient pas s'ils devaient se lever pour accompagner l'ovation ou rester assis, eux qui n'avaient pas les mêmes codes.
Névtelen entra à ce moment, apportant de nouvelles jarres de malch noir. Il était toujours étonné de la quantité ingurgitée par les chevaliers. Il eut la vision surréaliste d'un géant agitant un gobelet maintenant vide en hurlant des menaces de mort envers le dragon à qui répondaient de non-moins hurlant chevaliers lui promettant aide et assistance.
- BUVONS À LA VICTOIRRRE !
Michta tourna vers Névtelen un regard fatigué et lui dit :
- Va chercher d'autres jarres. Il n'y en aura jamais assez.

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