vendredi 10 février 2012

Dans la ville, l'émoi était palpable.


Dans la ville, l'émoi était palpable. Les observateurs avaient vu les extérieurs faire naître le feu. Comme si cela ne suffisait pas, il les avait vus faire brûler des pierres. C'est Kalgar qui avait été le plus étonné. Lui qui se fournissait en bois noir auprès des bûcheronneurs qui vivaient plus bas dans la vallée, avait vu dans la pénombre, le rougeoiement de la cotte lors du transport des braises. Il connaissait bien le travail du fer. Voir ainsi le métal devenir rouge cerise en aussi peu de temps l'avait laissé songeur. Il n'avait pas eu le temps de creuser la question que l'explosion avait eu lieu dans la clairière de la dislocation. Dans la tour les guetteurs étaient partagés. Certains disaient qu'une grande ombre était venue et avait provoqué l'éclat de lumière. Les autres disaient que la lumière avait fait naître un grand et sombre esprit. Il y avait eu une grande agitation dans le camp des extérieurs. Puis tout s'était calmé. La neige tombait étouffant les bruits. La nuit était noire.
Le remue-ménage continuait dans la salle commune malgré l'heure tardive. Les discussions allaient bon train. La seule opinion consensuelle était qu'il fallait aller voir ce qui était arrivé dans la clairière de la dislocation. On ne pouvait pas laisser un lieu sacré être profané par des étrangers. Chan sur les conseils de Sstanch essayait de calmer tout le monde. Les forces en présence n'étaient pas en faveur des habitants de la ville, à moins que l'explosion n'ait fait beaucoup de dégâts chez les extérieurs. Les plus hardis préconisaient d’attaquer et de tuer tous ces profanateurs. Les plus prudents avaient vu la puissance des arcs courts et conseillaient la négociation. Chan avait fait mandé le maître sorcier mais celui-ci tardait à venir. Chan commençait à s’inquiéter. Alors que leur monde semblait voler en éclats, le maître sorcier n’était même pas là, ni le premier sorcier non plus. Il fit signe à Sstanch, lui glissa un mot à l’oreille et reprit la discussion. Il fallait qu’il la fasse traîner jusqu’à l’arrivée des sorciers. Il proposa une tournée de malch noir.
Sstanch marchait vite sous la neige qui devenait lourde et collante. Si cela continuait, quelle que soit la décision du conseil, le combat ne pourrait avoir lieu. Trop de poudreuse gênait les mouvements. Même en alignant tous les hommes valides, il doutait de pouvoir battre les extérieurs. Il était résolument pour la discussion. Il avait vu trop de morts inutiles pour en vouloir dans sa ville. Maintenant, s’il fallait se battre, il irait et que les esprits le protègent. Il toucha son amulette. La masse du temple se dressa devant lui. Il était arrivé à l’enceinte réservée. Il se dirigea vers la porte. A l’aide du marteau de pierre, il frappa l’huis de trois coups selon la coutume. Le portier tarda tant, qu’il fût obligé de recommencer. Celui-ci arriva essoufflé.
- Ah ! Capitaine ! Capitaine ! Si vous saviez ! Venez ! Venez !
Le portier l’avait attrapé par la manche et le tirait vers l’enceinte des maîtres. Il était tellement perturbé qu’il en laissa la porte ouverte. Arrivé à la deuxième enceinte, le portier ne ralentit pas, remorquant Sstanch, il courait presque. Le capitaine ne comprenait rien, il n’avait jamais vu le temple dans une telle agitation. Des sorciers de tous rangs s’agitaient dans tous les sens. Personne ne sembla faire attention à lui. Il n’avait jamais entendu dire qu’un civil pouvait pénétrer dans l’enceinte des maîtres. Toujours tiré par le portier, il passa la porte sans même ralentir.
- Premier Sorcier, j’amène le capitaine.
Sstanch repéra Natckin, toujours accompagné de Tasmi. Il donnait des ordres à l’un ou à l’autre, tout en regardant dans une pièce dont il occupait le seuil.
- Que se passe-t-il, Premier Sorcier ? La Chef de ville a besoin du Maître Sorcier Les évènements de la nuit nécessitent sa présence.
- Je ne le sais que trop bien, Capitaine, mais le maître sorcier a disparu.
- Comment ça, disparu ?
- La dernière fois qu’il a été vu, il rentrait dans sa chambre de méditation et regarde…
Sstanch se pencha en avant. Il vit une petite pièce ronde faite de pieux assemblés. Elle n’avait pas de fenêtre. Sans la chandelle que tenait Tasmi, il n’aurait rien vu. La pièce était nue et vide. Seule une robe de cérémonie était à moitié étalée sur le sol.
- Le maître sorcier a prévenu qu’il allait méditer avant un rite divinatoire. Il avait revêtu les habits pour le rite. Regarde ce qu'il reste. Nous l’avons cherché partout. Il n’est nulle part. La seule explication est que les esprits l’ont enlevé. C’est un sombre présage.
- Chan te cherche. Pardon, le chef de ville désire ta présence.
- Dis-lui que je viens, dès la fin du rite. Qu’aucune décision ne soit prise avant que nous ayons consulté les esprits.
Natckin se détourna et toujours suivi de Tasmi, se dirigea vers la grande chambre de cérémonie.

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