Dans la ville, l'émoi était palpable.
Les observateurs avaient vu les extérieurs faire naître le feu.
Comme si cela ne suffisait pas, il les avait vus faire brûler des
pierres. C'est Kalgar qui avait été le plus étonné. Lui qui se
fournissait en bois noir auprès des bûcheronneurs qui vivaient plus
bas dans la vallée, avait vu dans la pénombre, le rougeoiement de
la cotte lors du transport des braises. Il connaissait bien le
travail du fer. Voir ainsi le métal devenir rouge cerise en aussi
peu de temps l'avait laissé songeur. Il n'avait pas eu le temps de
creuser la question que l'explosion avait eu lieu dans la clairière
de la dislocation. Dans la tour les guetteurs étaient partagés.
Certains disaient qu'une grande ombre était venue et avait provoqué
l'éclat de lumière. Les autres disaient que la lumière avait fait
naître un grand et sombre esprit. Il y avait eu une grande agitation
dans le camp des extérieurs. Puis tout s'était calmé. La neige
tombait étouffant les bruits. La nuit était noire.
Le remue-ménage continuait dans la
salle commune malgré l'heure tardive. Les discussions allaient bon
train. La seule opinion consensuelle était qu'il fallait aller voir
ce qui était arrivé dans la clairière de la dislocation. On ne
pouvait pas laisser un lieu sacré être profané par des étrangers.
Chan sur les conseils de Sstanch essayait de calmer tout le monde.
Les forces en présence n'étaient pas en faveur des habitants de la
ville, à moins que l'explosion n'ait fait beaucoup de dégâts chez
les extérieurs. Les plus hardis préconisaient d’attaquer et de
tuer tous ces profanateurs. Les plus prudents avaient vu la puissance
des arcs courts et conseillaient la négociation. Chan avait fait
mandé le maître sorcier mais celui-ci tardait à venir. Chan
commençait à s’inquiéter. Alors que leur monde semblait voler en
éclats, le maître sorcier n’était même pas là, ni le premier
sorcier non plus. Il fit signe à Sstanch, lui glissa un mot à
l’oreille et reprit la discussion. Il fallait qu’il la fasse
traîner jusqu’à l’arrivée des sorciers. Il proposa une tournée
de malch noir.
Sstanch marchait vite sous la neige qui
devenait lourde et collante. Si cela continuait, quelle que soit la
décision du conseil, le combat ne pourrait avoir lieu. Trop de
poudreuse gênait les mouvements. Même en alignant tous les hommes
valides, il doutait de pouvoir battre les extérieurs. Il était
résolument pour la discussion. Il avait vu trop de morts inutiles
pour en vouloir dans sa ville. Maintenant, s’il fallait se battre,
il irait et que les esprits le protègent. Il toucha son amulette. La
masse du temple se dressa devant lui. Il était arrivé à l’enceinte
réservée. Il se dirigea vers la porte. A l’aide du marteau de
pierre, il frappa l’huis de trois coups selon la coutume. Le
portier tarda tant, qu’il fût obligé de recommencer. Celui-ci
arriva essoufflé.
- Ah ! Capitaine !
Capitaine ! Si vous saviez ! Venez ! Venez !
Le portier l’avait attrapé par la
manche et le tirait vers l’enceinte des maîtres. Il était
tellement perturbé qu’il en laissa la porte ouverte. Arrivé à la
deuxième enceinte, le portier ne ralentit pas, remorquant Sstanch, il
courait presque. Le capitaine ne comprenait rien, il n’avait
jamais vu le temple dans une telle agitation. Des sorciers de tous
rangs s’agitaient dans tous les sens. Personne ne sembla faire
attention à lui. Il n’avait jamais entendu dire qu’un civil
pouvait pénétrer dans l’enceinte des maîtres. Toujours tiré par
le portier, il passa la porte sans même ralentir.
- Premier Sorcier, j’amène le
capitaine.
Sstanch repéra Natckin, toujours
accompagné de Tasmi. Il donnait des ordres à l’un ou à l’autre,
tout en regardant dans une pièce dont il occupait le seuil.
- Que se passe-t-il, Premier Sorcier ?
La Chef de ville a besoin du Maître Sorcier Les évènements de la
nuit nécessitent sa présence.
- Je ne le sais que trop bien,
Capitaine, mais le maître sorcier a disparu.
- Comment ça, disparu ?
- La dernière fois qu’il a été vu,
il rentrait dans sa chambre de méditation et regarde…
Sstanch se pencha en avant. Il vit une
petite pièce ronde faite de pieux assemblés. Elle n’avait pas de
fenêtre. Sans la chandelle que tenait Tasmi, il n’aurait rien vu.
La pièce était nue et vide. Seule une robe de cérémonie était à
moitié étalée sur le sol.
- Le maître sorcier a prévenu qu’il
allait méditer avant un rite divinatoire. Il avait revêtu les
habits pour le rite. Regarde ce qu'il reste. Nous l’avons cherché
partout. Il n’est nulle part. La seule explication est que les
esprits l’ont enlevé. C’est un sombre présage.
- Chan te cherche. Pardon, le chef de
ville désire ta présence.
- Dis-lui que je viens, dès la fin du
rite. Qu’aucune décision ne soit prise avant que nous ayons
consulté les esprits.
Natckin se détourna et toujours suivi
de Tasmi, se dirigea vers la grande chambre de cérémonie.
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