dimanche 19 février 2012

Kyll tremblait de froid


Kyll tremblait de froid. Il était sorti de sa transe en arrivant à la grotte. Ses perceptions avaient repris les limites de son corps. La neige qui recouvrait tout, avait envahi le porche de la grotte. N'y voyant pas de trace de pattes, Kyll était entré. La grotte de la médiation était froide dans sa plus grande partie. La lumière rentrait chichement. Il glissa sur une petite mare gelée près de l'entrée. Il lui fallait un peu de chaleur. Bien qu'habillé pour l'hiver, il ne pourrait rester au froid. Il se mit à explorer les lieux. Plus il allait vers le fond, moins il y voyait. Lors de son dernier passage ici, il avait une torche. A la lumière de ses seuls souvenirs, il s'enfonça au plus profond de la cavité. Le froid y était toujours intense. Une ombre plus noire se révéla être un petit couloir tortueux qui s'ouvrait en hauteur et qui finissait dans une salle sans écho. Il avait avancé avec beaucoup de prudence. Le noir était profond et sa peur était grande. N'allait-il pas tomber sur une bête hivernant. A tâtons, il était arrivé dans ce qui semblait être un cul-de-sac un peu plus large. Sur une des parois, il trouva un suintement d'eau. Il en fut heureux. Il ne gelait pas ici. Il s'assit sur le sol dur mais sec. La température avait beaucoup remonté. Il se calma lentement faisant les exercices de souffle que son maître lui avait enseignés. Lui revint en mémoire, une parole que son maître avait prononcée une fois. L'exercice finissait. La nuit était tombée. Lui, Kyll, avait oublié de préparer la lampe. La nuit était sans lune. Il n'avait pas osé bouger de peur de renverser un des nombreux pots où ils avaient fait brûler des offrandes. Son maître s'était levé, avait dit ... et puis avait pu se déplacer dans le noir comme en plein jour. La mémoire de Kyll refusa de lui livrer les paroles du maître. Il s'en voulut. La colère bouillonnait en lui. Il avait suivi les ordres des esprits et se retrouvait seul, au fin fond d'un trou noir, sans provision, ni couverture. Le découragement le visita. Il se recroquevilla pour ne pas perdre sa chaleur, prit son manteau et s'enveloppa dedans. Il était impuissant, fatigué. Il pensa que demain il ferait jour. Posant la tête sur son bras, il ferma les yeux. Il y eut comme un tintement de clochettes. Kyll bondit sur ses pieds, regardant le noir autour de lui. Le silence était absolu. Il attendit. Ses paupières trop lourdes se fermèrent. Le bruit revint, la peur avec lui. Il tâta autour de lui. Il ne trouva que le vide ou la roche. Il essaya de retrouver le sommeil sans jamais y parvenir. Le bruit revenait. Il l'écouta. Il lui sembla familier. Des souvenirs se présentèrent à son esprit. Il entendait un bruit intérieur. Ce petit tintement, il l'avait entendu ce jour-là quand le maître avait invoqué, l'esprit du noir pour l'aider. Voilà la solution ! Il rectifia sa position comme il sied à un maître sorcier. Faisant circuler le souffle en lui, il entra dans cet état second où son esprit se dilatait. Il pensa à l'esprit du noir, à celui de la roche, à celui de l'eau. Presque sans le vouloir, il dit les paroles de puissance. La transe arriva spontanément. Elle ne le projeta pas à terre, ne lui fit faire aucun geste désordonné. Simplement, il entendait nettement le tintement dans ses oreilles. Disant les paroles du lien, il se mit debout et fit le geste du commandement. L'espace autour de lui prit une nouvelle dimension. Il voyait l'eau qui s'écoulait doucement. Si les détails de la roche manquaient, il voyait les limites de sa chambre. S'il regardait vers le boyau de sortie, les vibrations devenaient lentes, gelantes. Au sol, il voyait les zones plus chaudes ou plus froides ainsi que des débris éparpillés. Il découvrit aussi un passage encore plus petit qui montait à l'opposé de la sortie. Il était trop haut pour que Kyll puisse l'atteindre sans un marchepied quelconque. Il s'assit le dos au mur, laissant son nouveau regard errer sur son environnement. Il repéra des petits mouvements. La forme colorée qui bougeait ainsi lui évoqua des insectes. Certains bien grillés étaient excellents, mais il n'avait pas de feu. Il s'endormit ainsi en pensant à de la nourriture.

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