vendredi 21 décembre 2012

Le seigneur Maester était connu dans la région. Il avait ses habitudes à l'auberge. Il vendait et achetait dans un coin de la salle derrière un rideau qu'on avait installé pour lui. Névtelen avait pour mission de surveiller ce qu'il se passait et de surveiller Vodcha ce qui n'était pas toujours de tout repos. L'auberge était connue des alentours et on y venait boire de la simcha correcte tout en écoutant les derniers racontars. Névtelen savait qu'ils allaient rester quelques jours le temps que Maester fasse ses affaires. D'ailleurs, Névtelen repéra vite ceux qui venaient pour voir son maître et ceux qui venaient pour boire. Il était étonné de voir certaines personnes venir. Elles semblaient raser les murs, essayaient d'être discrètes pour atteindre le rideau et repartaient en catimini. D'autres comme ce gros homme rougeaud, arrivaient comme en terre conquise. Ils prenaient le temps de saluer et de boire, tout en jetant des regards vers le rideau. Dans ces cas-là, c'est Maester qui faisait semblant de sortir par hasard et qui venait les saluer. Il trempait ses lèvres dans la chope que l'autre lui payait, parlait de tout et de rien et finissait par proposer de discuter plus au calme derrière le rideau. Là-bas, le ton baissait et la suite se faisait plus en chuchotant qu'en parlant à la cantonade. L'aubergiste était content de ce qui se passait. Maester amenait des nouvelles d'autres régions et les gens venaient pour entendre parler de la guerre. Le mauvais temps avait bloqué les armées ennemies assez loin d'ici près de la ville marais. Avec cette neige, on ne les reverrait pas bouger avant le printemps. Il y avait bien eu la bataille de la vallée du berger, celle qui est près de la montagne solitaire, mais depuis les combats avaient connu d'autres lieux. Névtelen avait compris que cette bataille était celle à laquelle il avait assisté. Elle avait duré deux jours entiers. L'armée de Saraya avait reculé devant celle d'Altalanos. Les vainqueurs avaient poussé l'avantage aussi loin que possible. Aujourd'hui dans la région, ne restaient plus que des mercenaires en rupture de contrat ou des déserteurs. Le banditisme avait augmenté. Maester en savait quelque chose. Névtelen se remémorait toutes ces choses quand il vit rentrer le prêtre du village. C'est lui qui avait organisé les funérailles de Tosen. Névtelen avait dû creuser le trou. La cérémonie avait été courte. Vodcha avait beaucoup pleuré. Tosen les accompagnait depuis qu'elle était née. Le prêtre avait fait les gestes qu'il fallait pour apaiser les esprits et satisfaire les dieux. Pour finir on avait allumé une torche plantée dans le monticule de terre. Elle brûlait pour servir de signal aux esprits du royaume des morts. Elle était le fanal pour les guider. Ainsi Tosen aurait un comité d'accueil. Après, à l'auberge, Maester avait payé à boire la Simchama. C'était une simcha avec des herbes amères qu'on buvait aux enterrements. Maester n'avait pas pour autant arrêté de faire des affaires. Il avait parlé avec le prêtre et celui-ci revenait avec un petit paquet. Il alla derrière le rideau et à son retour, il remarqua que s'il n'avait plus son paquet, il avait le sourire. Il vit sortir Maester arborant aussi une mimique de satisfaction. Vodcha en profita pour lui sauter dans les bras :
- DaïDaï, dis que j'ai le droit de pas manger la soupe.
Vodcha avait sur le visage un tel air de malheur que Névtelen faillit éclater de rire. Maester regarda sa fille avec tendresse et lui dit :
- Vodcha! Vodcha ! Une enfant bien élevée mange tout ce qu'on lui donne.
- Oui, mais j'aime pas la soupe, j'veux de la compote.
Névtelen se retourna pour ne pas montrer son hilarité. Maester avait manifestement beaucoup de mal à négocier avec sa fille.
Leur négociation dura un moment. Vodcha finit par accepter un peu de soupe quand elle vit le bol de compote accompagnée d'un biscuit mais elle exigea la présence de Névtelen.
Maester les rejoignit un peu plus tard pour manger. Il avait fini sa journée et Névtelen alla chercher le coffre. Il savait qu'il contenait des bijoux et des statuettes sacrées. Il s'assit dessus pendant le repas. Après il le monta dans la chambre. Vodcha avait voulu que Daïdaï lui raconte une histoire. Elle aurait préféré que ce soit Névt, mais sa mémoire effacée n'en connaissait plus. Il avait rejoint son coin derrière une tenture, à côté du coffre. Il savait qu'il ne dormirait que d'un œil en écoutant les bruits de la nuit. Allongé, il écouta Maester raconter à sa fille l'histoire du chevalier blanc.
- Il était une fois...

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