mercredi 6 juin 2012


Sealminc préparait les machpes. Elle maugréait tout en faisant son travail. Chountic était encore parti traficoter avec les extérieurs. Il lui faisait peur. Il avait échangé des machpes et de la nourriture contre du métal précieux. La viande de clach avait été très appréciée et les extérieurs avaient payé ce qu'ils achetaient, avec des éclats d'or... La première fois, quand elle avait ouvert à la patrouille, elle avait fait un bond en arrière. Elle avait cru sa dernière heure arrivée. Avec leur curieux accent, ils avaient demandé après Chountic. Avant qu'elle n'ait pu répondre, il était arrivé et avait emmené les extérieurs vers la grange. Il était revenu quelques temps plus tard, le visage très satisfait. Elle lui avait exprimé avec force son refus de voir ces gens-là ici, sans lui parler de sa peur. Il lui avait répondu sur un ton plus violent qu'elle n'avait qu'à la fermer, qu'il était le chef de sa maison et qu'il faisait ce qu'il voulait. Brtanef s'était mis à pleurer. Sealminc avait rompu la discussion pour aller s'en occuper et Chountic était parti vers les grottes à Machpes pour préparer la suite. Sealminc repensait à sa vie. Elle avait suivi les désirs de sa maison et s'était retrouvée alliée à un vieil homme. Sa maison était contente, l'alliance avait été fructueuse. Le cadeau de Chountic avait été très conséquent. Elle avait le droit de partir comme à chaque fête de la rencontre mais sa maison devrait rendre le cadeau et elle n'était pas assez riche. Elle avait vu ceux de son clan survivre grâce à ce qu'elle leur avait rapporté, juste survivre. Elle ne pourrait jamais quitter le Chountic sans mettre les siens en danger. Brtanef, comme toujours quand elle le prenait, s'arrêtait de pleurer. Il la regardait avec le même sérieux que le premier jour. Sealminc se demandait toujours ce qui occupait cette petite tête. Elle se mit à nourrir Brtanef. Avec le printemps, il recevrait un autre nom. N'étant plus dépendant d'elle, il ne serait plus le même. Un autre nom lui serait alors nécessaire. Elle-même avait changé plusieurs fois de nom, mais avait toujours gardé à peu près la même sonorité. Son nom actuel évoquait l'écoulement sa chevelure brune quand, jeune fille aux rêves fleuris, elle dénouait sa coiffe. C'est ce qui l'avait fait remarquer par Chountic. Son nom à lui évoquait bien, pensa-t-elle, toute sa sécheresse.
Chountic hurlait à son habitude, sur ses ouvriers. Il haïssait ces bons à rien qui ne lui rapportaient jamais assez. Il se félicita d'avoir eu l'idée de vendre des denrées aux extérieurs. Ils les haïssaient encore plus que ses ouvriers, mais eux au moins, ils avaient du métal précieux. L'image de Brtanef lui vint à l'esprit. Il n'aimait pas penser à lui. Cet enfant qui vous regardait comme s'il comprenait tout, le mettait mal à l'aise. Mais pour le printemps, il fallait le renommer. Il avait encore le temps d'y réfléchir et puis, ces feignants de sorciers lui souffleraient bien une idée. Il repensa à l'étrangeté de la situation. Il avait vu Brtanef diminuer et avait espéré sa mort. Cette femme était trop chétive et ne se donnait pas avec assez de soumission pour faire un descendant correct. Elle se retenait trop. La solution aurait été de changer lors de la fête des rencontres mais pas tant que l'enfant vivait. Il avait cru en sa chance lors de la mort du bébé. Et puis ce nouveau Brtanef était arrivé. Il avait cru un instant qu'il remplacerait avantageusement le rejeton chétif qui était parti, mais non. S'il était physiquement assez fort pour résister à l'exposition sous la pierre qui bouge, il était aussi un étrange étranger.
Il se posa encore une fois la question de ce qu'il avait bien pu faire pour mériter une telle suite de coups du sort. L'arrivée d'un de ses ouvriers l'obligea à se concentrer sur l'instant présent. S'il voulait devenir le fournisseur attitré des extérieurs, il fallait qu'il s'active. D'un côté, il pensait comme Rinca que le mieux aurait été de les faire disparaître, mais il était beaucoup plus lucide. Ils étaient trop forts pour eux. Les évènements l'avaient conforté dans son opinion. Comme on ne pouvait s'en débarrasser, il valait mieux faire avec et en profiter. Les autres rentraient toujours en conflit avec eux. Les extérieurs prenaient alors par la force. Il y avait des blessés, des mécontents. Lors de la première rencontre, il avait tenu un autre discours en disant qu'il n'était pas contre de leur fournir des denrées mais pas pour rien. Il avait appuyé son discours d'un don de viande de clach boucanée par ses soins. Cela avait plu au chef de la patrouille et encore mieux, la viande avait plu aux chefs des extérieurs. Quand ils étaient revenus, ils étaient demandeurs. Ils lui avaient proposé de l'or. Chountic s'était retenu pour ne pas se jeter dessus. Muoucht était là. Pour une fois tout le monde s'était assis et avait négocié. Chountic s'était engagé à fournir des machpes pour pas grand chose mais avait obtenu plus qu'il n'espérait pour faire de la viande de clach boucanée. Pour le moment et contrairement à ce qu'il leur avait dit, il vivait sur ses stocks. Mais déjà des chasseurs étaient partis et les premières bêtes arrivaient. Bien sûr, les autres maisons allaient le critiquer, mais surtout, elles allaient l'envier pour sa richesse.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire