jeudi 6 septembre 2012

Miasti jouait les grandes. Elle avait plusieurs atouts pour cela et en jouait avec adresse. D'abord, elle était née avant les autres. Elle était une hors-saison. Ce mot était tout à la fois une injure et un signe de jalousie. Elle ne se comportait pas comme une hors-saison. Les sorciers avaient entouré sa naissance de signes et de prédictions. Elle avait été à l'origine du miracle de la pierre chaude. Les autres ne pouvaient pas en dire autant. Eux étaient nés comme il fallait, quand il fallait sans faire d'histoires. Et puis Miasti était mignonne, plus elle était charmante et charmeuse. Elle savait mettre les adultes sous sa coupe et obtenait ce qu'elle voulait. Ensuite, la Solvette la connaissait. Alors qu'elle impressionnait tout le monde, la Solvette saluait Miasti quand elle la voyait. Un tel privilège était signe d'importance aux yeux de tous les enfants de cette saison là. Talgar s'en serait bien passé. Lui qui rêvait de marteaux, d'enclumes, de feu, d'exploits de forge devait obéissance à sa sœur. Cela avait quelque chose d’insupportable. Quand elle le martyrisait trop à ses yeux, il se réfugiait dans la forge. Il n’avait pas le droit d'être là, il le savait. « La forge était un lieu dangereux pour les enfants trop jeunes », lui avait dit son père. Il avait trouvé un espace près du toit. Il y entrait quand la porte restait entrouverte. Il se glissait discrètement. Il trottinait en longeant le mur et gagnait la pente du rocher. Il grimpait à quatre pattes jusqu'à son abri. Il y faisait chaud et il voyait tout sans être trop visible dans la pénombre. Il se délectait des gestes des uns et des autres. Il les mimait dès qu'il pouvait dans ses autres jeux. Quand il se faisait repérer son père faisait les gros yeux, mais il sentait bien qu'il avait du mal à ne pas rire. Puni mais pas découragé pour autant, il recommençait dès qu'il pouvait. Talmab avait du mal aussi à gronder Talgar. Ce dernier était plus impressionné par Cilfrat et surtout par Eéri. Ce dernier se déplaçait avec deux béquilles, mais restait impressionnant pour l'enfant. Eéri avait eu l'autorisation d'aller vivre chez Kalgar. Il continuait à servir le prince en prenant sa part des tours de garde sur la tour de guet. Il avait renforcé la puissance de ses bras et montait à l'échelle à leur seule force. Il y avait aussi maintenant Sertvi qui était arrivé. Premier des enfants métis, hors saison lui aussi mais fierté de son père, il avait eu droit à la reconnaissance du prince. Quiloma l'avait adoubé, lui donnant ainsi une filiation dans le monde blanc du Prince Majeur. Chan, à son tour l'avait enregistré sur les murs de la maison commune, le rattachant à la lignée de la famille Bartone, et à celle de Kalgar. Certains dans la ville acceptaient mal ces changements. Les sorciers avaient assuré que tout cela était bon pour l'avenir. Mais Chountic ne les croyait pas. Il était devenu le chef de file de ces contestataires. Il y avait ainsi deux clans en cours de formation. Pour le moment, cela restait limité aux paroles. La présence de guerriers ou la menace d'une armée dans la vallée calmait les plus irréfléchis. Le souvenir de la bataille du côté du col de l'homme mort restait vivace. Cela alimentait la haine et la peur des contestataires. Si Chountic parlait beaucoup, il noyait son activisme dans le malch noir. Il avait quand même gardé des contacts avec Tichcou. Il avait son homme de main, Bistasio. Ce dernier avait trouvé les moyens de passer. Il suivait la vallée, évitant le lac neuf comme on appelait la retenue. Le poste de garde surplombait l'eau. Ceux de la ville le laissaient passer moyennant quelques pots de malch noir ou de Sicha. Il était maintenant à la tête d'un petit réseau de marché noir, toléré par Chan. Il avait établi son quartier général dans les grottes de Bartone qui n'étaient plus utilisées.
La pluie doucement se chargeait de neige.

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