lundi 19 mars 2012


Chan, comme les autres habitants, avait vu arriver la troupe ennemie. Ils avaient eu droit à une parade entre la pierre qui bouge et le temple profané. Un défilé de soldats blancs porteur de torches. Ils avaient été intrigués par le traîneau et aussi par l'étrange animal qui le tirait. Il tenait du clach mais était plus gros sans atteindre la taille des tiburs qu'ils connaissaient. Ses sabots très larges lui permettaient de bien tenir sur la neige. La population était sous le choc de ce qui s'était passé il y a deux jours. Les guerriers de la mort patrouillaient dans toute la ville. Le seul endroit où ils ne s'aventuraient pas, était les grottes. Comme la récolte de machpe battait son plein, la majorité de la population s'y trouvait. Ils en avaient un besoin vital s'ils voulaient survivre cet hiver. Chan et le conseil, réuni encore une fois en urgence après le massacre, avaient réparti les chambres de pousse d'Andrysio à ceux qui en avaient le plus besoin et demandé l'aide des autres pour Rinca qui se trouvait trop seul pour assurer le travail. En cette fin de journée, l'espoir semblait perdu. Déjà face au premier groupe, ils n'avaient pas réussi à se défendre. S'il estimait bien les forces en présence, il y avait là de quoi mater tout espoir de révolte. Il regarda autour de lui. Les visages qu'il voyait, étaient tous hostiles. Il sentait la haine monter chez ses concitoyens. Natckin n'était pas là. Il repéra un disciple venu observer.
Le défilé n'était pas fini quand il fit signe aux autres anciens. Ils se retrouvèrent dans la maison commune. On leur servit le malch noir, dans des gobelets normaux. Chan pensait à ces quelques jours qui avaient changé leur vie plus que tout ce qu'ils avaient pu vivre avant. Le silence était pesant. Pourtant personne ne le brisa. Les paroles étaient inutiles ou incompétentes à dire le ressenti.
- Knam, dit un ancien.
- On aurait dû tous les massacrer quand ils sont arrivés, dit Rinca.
- Je comprends ton sentiment, mais si nous avions essayé, nous serions tous morts à ce jour.
- Mais pourquoi sont-ils venus avec ce foutu gamin ?
- J'ai pu parler avec Muoucht. Ils cherchent l'anneau que portait l'étranger.
- Il doit avoir une sacrée importance pour qu'ils envoient autant de monde.
- J'espère qu’ils vont le trouver vite, et foutre le camp encore plus vite.
- Oui, moi aussi, mais en attendant, nous n'avons plus de rites.
- Ni de maître sorcier.
- Comment allons-nous nous guider?
- Le sorcier Natckin est encore là. Il va trouver un moyen de renouer avec les esprits protecteurs.
- J'espère car ce soir l'avenir est noir.
- C'est pas la dernière prophétie qui m'a rassuré.
La discussion se prolongea le temps de siroter son gobelet. Puis Rinca se leva.
- De toute façon, ce soir on ne peut rien. Je vais me coucher. La machpe n'attendra pas demain.
Les autres firent de même. Bientôt ne resta autour de la table que Chan et Sstanch.
- Que penses-tu de ce que nous avons vu ce soir?
- Vous savez Chef de ville, c'est une armée puissante. Nous ne pourrons pas la vaincre. En tout cas pas là où elle sait se battre, c'est-à-dire dans le froid et la neige.
- Tu penses que nous pouvons nous battre.
- Sans entraînement, nous n'avons aucune chance. Avec autant d'entraînement qu'eux, nous aurions le poids du nombre.
- Peut-on y arriver?
- Ne rêvons pas, Chef de ville. La meilleure option aujourd'hui est qu'ils trouvent cet anneau de knam et qu'ils s'en aillent.
- Ne jure pas en parlant de cet anneau. On ne sait pas s'il n'a pas lien avec le monde des esprits. Combien de temps faudrait-il pour entraîner les hommes à se battre?
- On n’aura pas assez de l’hiver. La seule technique qui pourrait marcher face à une armée d’occupation, c’est de les harceler. Mais on n’en est pas là. Avec de la chance, ils seront partis bientôt.

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