Quand Natckin rencontra les extérieurs,
il ne s’attendait pas à ça. Entouré de guerriers, il fut poussé
plus qu’invité sur le chemin qu’il venait de prendre avec
Tonlen. Il vit arriver Sstanch par une rue latérale. Un guerrier de
la mort lui barra le passage. Sstanch cria :
- Faites ce qu’ils vous disent !
Ils ont déjà massacré Andrysio et sa maison.
Natckin eut du mal à avaler sa salive
et il vit que Tonlen était devenu blanc. Quand ils arrivèrent
devant le temple, ils forcèrent le passage et se répandirent dans
tous les espaces. Le chef de la discipline essaya de les arrêter. Il
n’alla pas loin. Une flèche lui transperça le cœur. Voyant cela,
ce fut le sauve-qui-peut de tous les sorciers qu’ils soient maître
ou disciple. Ils se heurtèrent aux guerriers de la mort qui
semblaient surgir de partout. Bientôt, Natckin et tous les autres se
retrouvèrent parqués sur le parvis où se faisaient les grandes
assemblées cérémonielles. Il pensa qu’ils allaient être tous
tués. Si l’idée vint au prince des extérieurs, il n’en fit
rien. Il se contenta de les expulser du temple. Ils ne purent rien
emporter. Natckin avait pris Tonlen par la main. Celui-ci semblait ne
plus rien comprendre. Il ne réagissait plus, sidéré par ce qui lui
arrivait. Il marcha un peu, s’arrêta, regarda autour de lui. Tous
les regards des expulsés étaient tournés vers lui. Ils l’avaient
suivi. Il les vit. Si lui et Tonlen avaient des habits pour être
dehors sous la neige qui commençait à tomber, les autres n’avaient
souvent rien d’assez chaud sur le dos pour rester dehors. Il se
rappela ce qu’avait crié Sstanch. La maison d’Andrysio devait
être libre. Il décida de les conduire là-bas. Quand ils y
entrèrent, ils trouvèrent Sitca et Tilson aidés de quelques autres
en train de sortir les morts.
- On va s’installer là en attendant,
dit-il. Savez-vous où est le chef de ville ?
- Il est un peu plus haut, sur la
margelle du puits ventru, répondit Tilson.
Natckin confia Tonlen à un
disciple qui semblait moins mal en point que les autres. Il remonta
la rue vers la maison commune. Effectivement, Chan était assis sur
la margelle du puits ventru, la tête entre les mains. En approchant,
Natckin l’entendit répéter :
- C’est pas possible ! C’est
pas possible !
Il ne semblait pas en meilleur état
que Tonlen. Natckin avait pourtant besoin de lui. Il était
l’autorité. Il pourrait peut-être obtenir que les extérieurs les
laissent rejoindre le temple. Il était probablement impossible de
refaire les rites de consécration dans d’autres lieux. Il fallait
qu’ils récupèrent le nécessaire pour les rituels. La ville ne
pouvait se passer de ce qu’ils accomplissaient chaque jour. Il
secoua Chan :
- Chef de ville, secoue-toi ! Il faut
récupérer le droit de faire les rites.
- C’est pas possible ! C’est pas
possible !
- Mais remue-toi, dit Natckin en le
prenant par le col et en le secouant. Tu entends. Les rites ne vont
plus pouvoir se faire. Si par malheur cela arrive, la ville va
mourir.
Chan leva un regard vide sur Natckin.
Quelques instants se passèrent. Natckin fixait Chan dans les yeux.
Une lueur sembla envahir les yeux de Chan. Natckin le secoua encore.
- Tu entends, la ville va mourir, si on
ne fait plus les rites.
Chan sembla comprendre. Son regard
reprit vie.
- Tu as raison. Allons voir ce qui peut
être fait. Ce serait pire que tout ce que nous avons vu aujourd’hui.
Chan se leva. Il fit signe à Sstanch
qui surveillait les environs. Ils se mirent en route vers le temple.
A leur arrivée devant la porte, ils se
retrouvèrent bloqués par deux guerriers. Ceux-ci les menacèrent de
leurs lances.
- Vnapasce !
Chan alla jusqu’au contact avec la
pointe de l’arme.
- Je veux voir le prince !
- Vnapasce !
- Je me moque de ce que tu dis, je veux
voir Quiloma !
Les deux guerriers se regardèrent.
- Vpi nva Quiloma, dit l’un des
guerriers.
Un des deux hommes baissa sa lance et
rentra dans le temple. Il fut rapidement remplacé. Chan se tint
debout, le torse toujours en contact avec la lance.
Un temps qu’il trouva long passa
avant que le prince des extérieurs n’arrive. Chan, Sstanch et
Natckin avaient vu des guerriers aller et venir. Muoucht arriva entre
deux guerriers. Sur un signe d’un de ses accompagnateurs, il
attendit à côté de la porte. Quand Quiloma arriva, il fit signe à
Muoucht d’approcher.
Le guerrier qui tenait Chan au bout de
sa lance, ne bougea pas.
- Qte (Quelle est ta parole ?) dit
Quiloma. Muoucht traduisit.
- Vous devez nous laisser libre de
faire les rites.
- Psa (Vos superstitions m'indiffèrent.
Je garde cet endroit pour l’usage qui est mien).
- Mais vous ne vous rendez pas compte !
Vous ne pouvez pas faire ça ! Il faut que les rites soient faits !
cria Natckin.
- Proc (Ma réponse est claire. Votre
choix est simple, vous partez ou vous mourrez…tous !)
Le guerrier poussa sa lance sur la
poitrine de Chan qui résista un peu. Mais quand il vit le fer percer
ses vêtements et venir au contact de sa peau, il recula.
- Partons ! dit-il.
Nactkin voulut dire quelque chose mais
sur un geste de Chan, Sstanch l’entraîna.
Quand ils furent revenus à la maison
d'Andrysio, Natckin laissa éclater sa colère. A quoi Chan répondit
sur le même ton en lui expliquant qu'il y avait les otages à
protéger. Nacktin parla des rites, de la catastrophe que
représentait l'impossibilité de faire les rites dans le temple. Chan
répliqua qu'avec le massacre de la maison Andrysio, il avait eu son
content de morts pour la journée. Cela calma la colère du sorcier.
- Maître Natckin ! Maître Natckin !
Ils jettent tout dehors. Ils brûlent les herbes sacrées et les bois
odoriférants.
Natckin se tourna vers Tasmi qui
arrivait en criant la nouvelle.
- Ils vident le temple !
- Il faut récupérer les objets
sacrés...Appelle d'autres disciples...et arrive.
Natckin se dépêcha vers le temple. Il
trouva un feu devant la porte du temple sur la place des fidèles. Un
guerrier jetait une brassée de choses dans le feu. Natckin se
précipita pour récupérer un vêtement cérémoniel. Les extérieurs
le laissèrent s'emparer de la parure qui déjà brûlait. Le manège
continua. Les guerriers de la mort venaient déposer les objets du
temple dans le feu. Nacktin et les disciples présents se démenaient
pour les retirer. Il y eut un incident quand un disciple voulut
prendre une tunique dans les bras même d'un guerrier blanc. Un coup
de manche de lance sur les jambes le fit tomber sous les rires des
soldats. Il n'insista pas. Ce qui était récupéré était acheminé
par certains vers la maison Andrysio. La navette dura deux jours.
Quand une conque retentit au loin, le
temple était vide. Natckin faisait le point de ce qui avait été
sauvé. De nombreux habits de cérémonie étaient abîmés. Très
anciens, très secs, ils avaient vite pris feu dans ce bûcher
ardant. Il n'y avait plus de réserve de bois, ni d'herbes à
visions. Les lieux sacrés étaient profanés. Les écorces sacrées
où avaient été peints les rites sacrés de consécration, avaient
toutes brûlées, ne restaient que des fragments. La catastrophe
était complète. Comment sauver les rites?
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