samedi 31 mars 2012


Jorohery piaffait. Quiloma avait demandé quelques jours pour préparer la chasse au crammplac. En attendant que le groupe de chasse soit prêt, il supervisait les recherches dans la clairière. Il ne sentait pas bien ce qui d'habitude ne lui posait aucun problème. Même loin du point d'explosion, il aurait dû sentir où il se trouvait. Quelque chose gênait sa perception. Il pensait qu'une fois débarrassé du crammplac, il retrouverait ses facultés habituelles. Il avait remarqué cela lors d'une chasse avec le Prince Majeur. La proximité de ces bêtes brouillait ses senseurs. Dans ce pays maudit où les habitants mangeaient des choses immondes venues des grottes, il était obligé de se fier à son raisonnement et au peu qu'il percevait. L'anneau avait bondi au moment où la pierre explosait, c'est après que cela se gâtait. S'il sentait la chaleur et la puissance de l'explosion, tout disparaissait un instant plus tard. Certains phalangistes de Quiloma racontaient qu'ils avaient vu une grande ombre. Jorohery ne la sentait pas. Il avait une vague impression d'une forte présence mais était incapable de la nommer. En réfléchissant, il n'y avait que peu de possibilités. Éliminer le crammplac était indispensable pour qu'il retrouve toute la puissance de ses pouvoirs. Sans eux, il savait que le Pince Majeur ne l'aurait jamais écouté. Il ne devait pas connaître l'échec s'il voulait garder son pouvoir. Grâce à ses lectures des évènements et de la réalité cachée derrière, il lui avait permis de gagner la course au pouvoir qui s'était engagée à la disparition de l'ancien Prince Majeur. Il n'avait jamais rencontré cet ancien, mais en avait senti l'aura qui avait dû être particulièrement puissante pour subsister ainsi plusieurs saisons après sa mort. La succession avait été une guerre qui n'avait pas dit son nom entre les héritiers, où l'anneau avait tenu une place majeure. Il avait une première fois disparu, mais Jorohery l'avait pisté et retrouvé chez le père de l'enfant enlevé. A l'époque, il était impossible de faire une attaque de front. Il avait conseillé son candidat et ils avaient manœuvré pour faire disparaître ce personnage encombrant. Malheureusement un enfant était né. Sa disparition avec l'anneau rendait la succession fragile. Le Prince Majeur devait avoir cet anneau pour être complètement légitime. Voilà qu'il était à des jours de marche de la capitale. Les Gowaï, ces maudits sauvages, ne se calmeraient que si l'anneau était au doigt du Prince Majeur, à moins de les tuer tous, ce qui n'aurait pas déplu à Jorohery.
Quand Quiloma vint le prévenir du départ prochain, Jorohery regardait le soleil se lever sur la clairière. Un petit vent froid soufflait, le ciel à peine couvert semblait vouloir se dégager. Là-bas dans les plaines glacées, c’était un signe que le temps allait devenir plus froid. Mais ici, dans ce pays où l’horizon était fermé par les montagnes, il ne pouvait pas savoir. Là non plus, il ne pouvait pas savoir. Ce pays le mettait en colère. Dès qu’il aurait l’anneau, il ferait massacrer tous ces indigènes afin de nettoyer la terre de ces rites impurs.
Quiloma était prêt, autant que faire se peut, pour partir à la chasse au crammplac poilu. Il pensait sans oser le dire, que dix hommes d’escorte étaient insuffisants. Même s’il n’y en avait qu’un à chasser, le risque était très grand. Jorohery avait insisté pour que le maximum d’hommes fouille la clairière et ses abords. Il ne semblait pas croire que, lors de l’explosion, certains guerriers aient pu voir un grand être. Quiloma savait trop bien ce qui se passait quand on s’opposait à lui. Maintenant qu’il était prince neuvième, il avait trop à perdre. Il avait eu une longue discussion avec Muoucht sur la topographie de la région. Ce dernier devait rester dans le village pour transmettre les ordres. Quiloma comprenait mais trouvait dommage de devoir se passer d’un homme habile à traquer les animaux.
La colonne s’alignait parfaitement derrière son prince. Tous étaient de fiers guerriers, les meilleurs parmi les meilleurs. Ils savaient qu’ils partaient pour une mission dangereuse. Leur paquetage était prêt pour tenir toute une main de jours, voire deux mains en se rationnant. La chasse annoncée verrait leur victoire ou leur mort. Le crammplac poilu était la bête la plus dangereuse au monde. Silencieuse, puissante et surtout intelligente, elle faisait peur même au plus endurci. Pour l’instant, il regardait le Bras du Prince Majeur chausser ses planches de glisse. Ils furent soulagés de ne pas avoir à le porter en plus de son ravitaillement. Quand ils s’élancèrent vers la forêt proche, un pâle soleil brillait derrière quelques nuages. Seule la froidure du vent était gênante.
Jorohery glissait en tête. Il remontait vers le col qui avait vu leur arrivée. Il pensait que là-haut, il aurait une meilleure perception des forces en présence. Ça lui permettrait de décider de la suite.

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