Jianme examinait la situation. Il ne
pouvait pas retourner voir le roi sur un échec. La paroi qu'il avait
devant lui demanderait des mois de travaux pour y faire un chemin,
sans compter le risque de réveiller les esprits mauvais. De plus il
avait entrevu des mouvements en haut. Il se doutait que son ennemi
avait laissé des hommes pour surveiller. Il envoya plusieurs
patrouilles pour chercher une autre route. Lui-même décida d'aller
explorer le lieu d'effondrement. Il s'approcha avec son groupe en
prenant toutes les précautions possibles, mais rien ne se passa. Si
des yeux les observaient, personne ne se manifesta. Il découvrit ce
qu'il restait de la vallée. Une grande dalle était venue comme une
porte barrer la vallée, des rochers de la taille d'une maison
bloquaient les espaces restants. De l'eau coulait un peu par en
dessous mais pas autant qu'à leur arrivée. Par contre de nouvelles
sources étaient apparues en hauteur. Jianme comprit que l'eau allait
s'accumuler derrière la paroi. Jusqu'à quand?
- Lieutenant ! Lieutenant !
Jianme se retourna. Un messager
arrivait au galop. Il démonta avant que sa bête ne fut arrêtée.
Il s'inclina et sans attendre se redressa :
- On a fait une prise, un homme du
village de là-haut.
- Raconte.
- Il est arrivé sans se faire
remarquer. Il conduisait un petit troupeau de bêtes de somme. C'est
le chef de Tichcou qui est venu nous prévenir.
- Mon tracks !
Les deux cavaliers repartirent au
galop.
Bistasio se demandait s'il avait bien
fait de se lancer dans cette aventure. Les évènements ne se
déroulaient pas comme prévus. Il était arrivé sans plus
d'encombres à Tichcou mais son interlocuteur n'avait pas joué le
jeu de la discrétion. Ses tiburs avaient été saisis et lui-même
était retenu sous bonne garde en attendant l'officier qui
commandait. De plus, ils parlaient une langue qu'il ne comprenait
pas. Habitué au parlé rocailleux des gens de la montagne, il
n'arrivait pas à suivre le phrasé chantant des hommes des plaines.
Quelques mots lui étaient compréhensibles mais cela ne suffisait
pas à suivre les conversations. Alors qu'il ressassait pour la
centième fois ces questions, un homme entra. Il était grand. Son
costume chamarré, son port hautain et les réactions du garde qui
s'était mis au garde-à-vous le désignaient comme le chef.
- Vous pouvez me détacher. Je ne vais
pas m'enfuir. Je suis là pour coopérer.
Le coup qu'il prit dans le ventre le
plia en deux et il tomba à genoux, le souffle coupé.
- Chanti...(Tu parleras quand on te le
dira.).
- Simati...(Vous n'auriez pas dû le
frapper, il était prêt à vous aider).
Celui qui venait de parler était le
chef de la ville de Tichcou.
- Cimap...(ça le rendra plus souple!)
dit le Lieutenant Jianme. Sialt...(Vous allez traduire).
Le chef de ville fronça les sourcils
mais n'ajouta rien. Il fit l'interprète pour l'interrogatoire. Il
sentit la haine de Jianme pour cet homme et tout ce qu'il
représentait. Les questions étaient courtes, incisives, orientées.
Les réponses de Bistasio étaient plus vagues, plus descriptives.
Petit à petit le lieutenant sembla prendre conscience des forces en
présence. Les guerriers blancs devinrent une réalité différente
des gens de la ville. Tout le monde n'était peut-être pas à mettre
dans le même panier. Les noms de Rinca et de Chountic vinrent se
mêler à la conversation. Puis les questions s'orientèrent sur le
chemin. Des tiburs avaient réussi le voyage, donc des tracks
pourraient passer. Bistasio expliqua que s'il avait pu passer avec
quelques bêtes, il n'en serait pas de même pour un corps d'armée
avec armes et bagages. Sur le chemin du haut, un seul homme pouvait
bloquer une colonne pendant des jours.
Jianme réfléchissait à tout ce qu'il
avait appris. Les guerriers du froid n'étaient pas nombreux. S'il
avait compris le bouseux, il n'y en avait qu'une cinquantaine tout au
plus. Avec sa compagnie, il était largement mieux doté. Il fallait
en savoir plus, mais il n'avait aucune confiance en Bisatsio. A moins
que celui-ci ne soit vraiment ce qu'il disait être, c'est-à-dire un
résistant à l'envahisseur venu du froid. Il décida de monter une
expédition par le chemin des crêtes.
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