samedi 25 août 2012

Les enfants riaient aux éclats. La neige était vraiment quelque chose de merveilleux. Quiloma ne put s'empêcher de sourire. Sabda n'était pas la dernière à s'amuser dans cette gigantesque bataille de boules de neige. Il reconnut aussi Tandrag ainsi que les enfants de Kalgar. Il savait que cette première neige ne durerait pas. Les enfants de ce premier printemps avaient juste acquis assez d'autonomie pour aller jouer avec tous les autres. La Solvette lui avait dit que c'était une bonne année pour la cité. Il y avait à la fois assez de nourriture et assez de nouveaux bras. Il repensait à la rencontre qu'il venait d'avoir...

- Oui, Mon Prince, nous avons suivi les ordres.
- C'est le Seigneur Dragon lui-même qui vous a dit cela ?
- Oui, Mon Prince. Le Seigneur Dragon voulait qu'on laisse l'homme sans main en vie. Il a dit que son destin était de conduire les siens à la mort et un autre à la vie.
- Le Seigneur Dragon dit des paroles étranges, Mlaqui. Que voulait-il laisser entendre ?
Sstanch suivait avec difficulté cet échange entre le prince et son konsyli. Il ne parlait pas encore assez bien leur langue pour suivre tous les détails. Il avait compris que Mlaqui racontait les derniers évènements. Le dragon était revenu pour donner ses ordres. Sstanch trouvait encore cela étrange. Avant la dernière saison des neiges, jamais il n'aurait pu imaginer une telle rencontre. Il se pensait du bon côté avec un allié dragon. Natckin l'avait refroidi dans son enthousiasme. Les esprits étaient plus circonspects quant à l'avenir. Rien n'était joué. Leurs oracles concernant le dragon étaient obscurs. Ce qui était certain : la cité ne vivrait qu'en continuant ce chemin. Le dragon avait encore des épreuves à passer. Quelqu'un devrait faire Sangha avec le dragon mais nul n'avait compris si c'était un habitant de la cité, un guerrier du froid ou un prince. Nul n'avait compris non plus ce que voulait dire Sangha.
Sstanch revint au moment présent. Mlaqui racontait la traque des seconds guerriers. Le dragon avait demandé d'en laisser un en vie et de laisser Schtenkel sur ses traces.
- D'autres guerriers de métal doivent venir avant le grand guerrier. Telles furent les paroles du Seigneur Dragon. La neige les tuera peut-être.
- Je ne crois pas Mlaqui. Il n'en est pas encore tombé assez. C'est un heureux présage pour les habitants du village. Elle veut dire la paix pour nous et surtout la possibilité que les nôtres arrivent.
Se tournant vers Sstanch qui attendait un genou à terre, Quiloma lui dit :
- Debout, maître d'armes de la cité. Où en sont les dix mains d'hommes ?
- Ils progressent bien. Ils ont beaucoup appris dans cette rencontre avec les chevaliers des plaines.
- Cela est bon. Cinq mains d'hommes doivent être toujours prêtes au départ, jusqu'à l'arrivée des renforts.
- Oui, prince Quiloma.
La conversation roula sur les nécessités techniques de l'organisation. Quiloma aurait bien voulu plus d'hommes. Un prince neuvième peut commander jusqu'à dix phalanges, mais ici, il ne pouvait dégarnir les champs de leurs bras. Le temps que les enfants arrivent à maturité, lui serait trop vieux. Il avait déjà connu beaucoup d'hivers. Il ne pouvait s'empêcher de penser à Sabda. S'il repartait dans son pays devait-il l'emmener ? Il sut la réponse en se posant la question. La Solvette ne voudrait pas et qui était-il pour se mettre contre la Solvette ? Il sourit intérieurement. Quel destin étrange que le sien. Parfaite machine à faire la guerre, il était devenu sensible au sourire d'une enfant et de sa mère. Si Schtenkel et le second guerrier arrivaient à Tichcou assez vite, peut-être y aurait-il une nouvelle expédition. Il avait rencontré un... Il ne savait pas trop bien. Il était parti sur la journée pour s'entraîner avec une main d'hommes. En explorant un des versants de la montagne où était la cité, ils étaient tombés sur un campement. Avant, il aurait passé tout le monde au fil de l'épée car aucun n'avait les yeux bridés, mais aujourd'hui avec le vécu de cette dernière saison, il avait observé. Le chef de ce groupe n'était pas un marabout, ni probablement un prêtre de la cité quoique il leur ressemblait. Ce qui l'avait arrêté était le bâton. Il connaissait ce type de bâton. Il en possédait un morceau dans son étui rouge. Il donnait le feu et la légende lui prêtait la puissance des dragons quand il était entier. L'homme avait pris le temps de nettoyer son bâton avant de lui remettre un petit fourreau. Quiloma sentit son regard se libérer. Était-il face à l'élu ?
Cela expliquerait la présence d'un juvénile par ici. Pourtant la légende disait que l'élu serait de son peuple. Quiloma ne savait que penser.
- Bonjour, prince Quiloma.
Quiloma sursauta en entendant son nom. Cet homme qu'il n'avait jamais vu, regardait dans sa direction et l'appelait. Il était pourtant sûr d'être invisible et de ne pas avoir fait de bruit. D'ailleurs les compagnons de l'homme, sursautèrent aussi en l'entendant parler. Ils se jetèrent sur des armes. L'homme reprit la parole :
- Vous ne risquez rien, posez-vos armes mes amis et toi, Iaryango, pose l'arc de Rhinaphytia, tu risques de blesser quelqu'un.
Quiloma sortit à découvert. Il avait sa lance à la main. Par gestes, il avait dit à ses hommes de ne pas bouger.
- Dructa Quiloma ? (Sais-tu qui est Quiloma?).
- Oui, je te connais prince Quiloma. Je comprends même ta langue.
- Mru... (Qui es-tu, toi qui tiens un bâton de puissance?)
- Juste un homme, prince Quiloma. Quant à ce bâton, il n'a de puissance que les lignes qui y convergent.
- Stomr...(Que fais-tu ici, toi que je n'ai jamais vu ?).
- Je suis le Maître Sorcier de la cité que tu habites.
- Mro... (La mort serait une bonne chose pour toi !).
- Je sais ce que tu penses de nos coutumes et de nos croyances. Tu es venu, porté par les ailes du bouleversement. Tu crois ton rôle important. Comme moi tu obéis à d'autres dont les desseins te dépassent.
- Donne-moi une raison de ne pas te tuer ? dit Quiloma dans la langue de Kyll.
- Je crois qu'elle passe, répondit Kyll.
Une grande ombre les survola. Quiloma leva la tête. Quand il redescendit les yeux, Kyll avait enlevé la protection du bâton. Quiloma ne pouvait plus bouger les yeux. Son regard était comme hypnotisé. Il suivait les courbes des arabesques. Il les reconnaissait. Dans la caverne des dragons, il avait vu les mêmes.
- Tu as une raison, maître sorcier. Je ne peux que me soumettre.
Lentement, il sortit son étui et fit glisser ce qu'il contenait dans sa main. Il en sentit la chaleur et la puissance, ou plutôt le souvenir de la puissance. Il savait qu'il n'avait en sa possession qu'un morceau du dernier bâton de puissance. Un bâton plus vieux que les souvenirs des vivants, un bâton de légende, celui du dernier roi dragon. La légende disait que même un simple morceau brillerait en rencontrant le nouveau bâton. C'est pourquoi les princes en avaient tous une parcelle. Cela faisait des générations qu'on cherchait le nouveau roi dragon. Quiloma fut déçu. Il n'y eut pas de réponse. Il n'était pas en face de l'élu, mais en face de quelqu'un qui avait une relation privilégiée avec le dragon, ou avec l'élu.
- Que sais-tu, maître sorcier ? Je sais que tu n'es pas l'élu.
- Tu sais bien, prince Quiloma. Je ne suis que Maître Sorcier. Les esprits m'ont parlé de toi. C'est pourquoi le crammplac poilu t'a épargné.
- Si je suis vivant, c'est qu'il ne m'a pas tué. La prédiction est facile, ironisa Quiloma.
- Sais-tu qu'il a chassé pour toi et les tiens. Rappelle-toi le clach qui est tombé dans ton abri. Les esprits ont demandé que tu vives. Le crammplac poilu a obéi.
Quiloma fut troublé. L'histoire de sa chasse n'avait pas quitté le cercle des guerriers du froid. Elle était un récit tabou puisque le roi dragon était intervenu.
- Que peux-tu encore me prédire, maître sorcier?
- De ce que tu feras un jour naîtra l'avenir. Si ton héroïsme est fort comme la vie alors naîtra la vie du roi dragon, sinon, nous vivrons des temps noirs.

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