mercredi 1 août 2012


Quiloma écoutait Ivoho lui faire son rapport. Ils avaient bien travaillé. Toute la vallée était devenue un piège après la barrière des épineux. Il savait que cela ne suffirait pas à arrêter une armée. Il décida de piéger efficacement la gorge de Cantichcou. C'était le seul endroit possible pour le passage d'une armée. Quiloma avait envoyé une main de guerriers faire la reconnaissance de la région. Ils avaient cherché toutes les routes possibles pour descendre dans la vallée. Jamais une armée ne pourrait passer par les chemins qu'ils avaient découverts. Le chemin principal passait par la gorge de Cantichcou. Les bêtes de somme pouvaient emprunter ce chemin à condition d'avoir un pied assez sûr. La route des crêtes était certes difficile, mais possible. Tous les autres chemins comportaient des difficultés quasi-insurmontables pour un petit groupe. Jamais une armée ne passerait par ces endroits-là.
Quiloma savait que si l'attaque ne venait pas rapidement, une partie des pièges ne serait plus fonctionnelle. Il ne pouvait maintenir ses hommes dans une pression constante pour les vérifier tous les jours. Il lui fallait quelque chose de permanent qui résiste à une armée ou qui lui impose des restrictions de passage suffisantes pour qu'il puisse contrôler l'ennemi. Il ne pouvait compter sur le dragon. Celui-ci vivait sa vie. Si son peuple était au service des dragons, les dragons n'étaient pas à leur service. Il avait envoyé un konsyli et son groupe chercher sa grotte refuge. Il leur avait donné les indications reçues de la Solvette. Les charcs avaient rapporté avoir vu le dragon dans la vallée sombre. C'était une série de gorges profondes inaccessibles aux parois abruptes. Les guerriers de Quiloma avaient essayé de pénétrer dedans sans y parvenir. Par contre, ils avaient vu le dragon aller et venir en volant. La gorge était trop sinueuse pour qu'on voie l'entrée de la grotte. Ils avaient donc prospecté le haut des parois. La roche trop friable, leur avait interdit de s'approcher assez pour voir dans la vallée. Mlaqui était le responsable nommé par Quiloma pour s'occuper du dragon. Il avait exploré tous les trous, toutes les cavités s'ouvrant au sommet des parois. Il avait un doute sur une cheminée naturelle qu'il avait explorée. Il avait dû arrêter son exploration car elle devenait trop étroite. Pourtant un courant d'air ascendant lui avait fait sentir une odeur qu'il connaissait, celle du dragon. La grotte devait être en dessous pas très loin. Il n'avait pas insisté. Il n'est jamais bon de déranger un dragon chez lui.
La gorge de la Cantichcou ressemblait à cela avec des parois abruptes creusées de cavités et une roche assez friable qui en interdisait l'escalade. Seulement le fond en était plus large. Un chemin longeait la rivière. Assez sinueuse, elle se prêtait à une embuscade. Il fallait la préparer. Pour Quiloma, il y avait une certaine urgence puisque la Solvette lui avait confié sentir des forces de violence à l'œuvre contre la région. Elle ne comprenait pas pourquoi. Quiloma lui avait alors expliqué que les dragons avaient des rites bien à eux. Quand un dragon prend la livrée qu'il gardera adulte, c'est-à-dire sa couleur, avait-il précisé à la Solvette, il devait commencer à amasser un trésor. Un dragon sans trésor ne trouvait jamais de femelle. Quiloma pensait que les gens de la plaine ne supportaient pas les raids du dragon et qu'ils avaient sûrement l'intention d'intervenir pour les faire cesser, voire pour récupérer leurs biens.
Quiloma réquisitionna des hommes de la ville pour faire le travail. Dans les grottes à deux hauteurs d'hommes, il avait fait installer des tas de charbon de bois qu'il avait fait mélanger avec de la roche couleur herbe sèche. Il avait fait des essais. Cela produisait beaucoup de fumée âcre et lourde. Les vents soufflant le plus souvent vers la plaine, il pensait que cela ferait fuir les ennemis. Il fit faire une chaîne avec les brancards à machpes. Les gens de la ville de nouveau récriminèrent. Deux jours aller, deux jours retour, cela faisait beaucoup de jours perdus. Chan qui avait vu le massacre de la maison Andrysio, n'avait qu'une peur : que cela recommence. Il s'appuyait sur les dires des sorciers pour imposer d'obéir. Il organisa ainsi un tour de rôle pour que personne ne soit trop lésé. Ce qui n'empêcha pas Rinca et Chountic de venir se plaindre.
La première attaque vint avant que tout ne soit prêt. Aidés par l'arc géant, des fantassins allèrent jusqu'à la barrière d'épineux. Ils n'allèrent pas bien loin. Le groupe de cinq qui montait la garde avait réagit rapidement en faisant tomber des fagots de branches épineuses en travers des passages. Dans leur rapport, ils insistèrent auprès du prince. Ils n'avaient pas été très brillants. Heureusement que le bois de stijcac était dur et qu'il avait émoussé les lames des fantassins. Ils avaient pu tirer quelques flèches. L'arc géant était une menace mortelle. Il était servi par des hommes compétents qui savaient bien le régler. A chaque flèche à pointe noire tirée répondait une flèche géante ce qui empêchait d'être efficace en protection de la barrière naturelle.
- Combien? demanda Quiloma.
- Une main de jours, mon prince. Ce sera le temps qu'il leur faudra pour passer la haie.
Quiloma grimaça. Le temps que le konsyli vienne lui faire son rapport, il se passait dejà deux jours, le temps de réagir et cela ferait deux jours de plus. Il envoya tous les guerriers disponibles pour retarder l'avancée des troupes ennemies et descendit voir le maître de ville pour qu'il réquisitionne tous les hommes et les brancards pour emmener le charbon de bois et la pierre jaune dans les grottes de la gorge de Cantichcou.
Les hommes renâclèrent quand en rentrant de leur journée de labeur, ils durent descendre dans les grottes de machpes pour récupérer les brancards encore sales des autres labeurs. Éclairés par des torches, Quiloma leur fit prendre la route sans attendre. Les femmes furent elles-même réquisitionnées pour porter les provisions. Ce fut une étrange procession. Le dragon qui volait assez haut, descendit un peu pour voir cela. Dans la nuit noire personne ne le remarqua. Tous regardaient où ils mettaient les pieds. Un jour et demi fut nécessaire pour mener à bien la descente. Même ivres de fatigue, ils travaillèrent à installer leur charge dans les grottes selon les ordres. Quiloma les fit se retirer juste à temps. Ses guerriers se repliaient en bon ordre. Chaque Konsyli qui arrivait dans la gorge venait lui faire un rapport. Quiloma était nerveux. Il avait préparé ses meilleurs archers, des feux pour les flèches, mais se demandait si son piège serait suffisant. Les rapports faisaient état de soldats aguerris qui ne reculaient pas malgré les pertes. Aidés par l'arc géant, ils avaient remporté leur première victoire en obligeant les guerriers blancs à reculer. La troupe ennemie avançait lentement mais avançait. Quelques hommes avaient été mis hors de combat par les pièges mais globalement, ils n'avaient pas bien rempli leur rôle. Les pisteurs de la plaine arrivaient souvent à les déjouer. Quatre mains de guerriers avaient pris position derrière les grottes piégées. Quiloma tenait la crête avec les autres hommes. Les flèches se mirent à pleuvoir quand l'avant-garde ennemie arriva. Ils reculèrent prestement.

- Lieutenant ! Lieutenant !
- Ici ! répondit Jianme.
L'homme se dirigea au pas de course vers l'officier.
- Je pense que nous les avons fixés. Nous venons d'essuyer une volée de flèches.
- Combien?
- Je dirais entre trente et quarante.
- Que disent les pisteurs?
- L'endroit est idéal pour un piège. Les parois sont verticales et ils tiennent les crêtes. Il existe des grottes qui pourraient nous servir si nous les atteignons, mais il y a un groupe un peu plus haut dans la gorge.
Le lieutenant Jianme avait fait mouvement vers l'entrée de la gorge. Il regarda le terrain devant lui. La vallée assez large, se resserrait brutalement. Les pentes devenaient parois et des barres rocheuses coupaient la vue vers le haut.
- Continuez à les exciter. Qu'ils gâchent un maximum de flèches.
Ayant donné ses ordres, il repartit vers l'arrière. Le terrain n'était pas facile mais avec une compagnie, il devait pouvoir en venir à bout. La barrière d'épineux avait demandé surtout du temps pour se frayer un chemin. L'arc géant avait bien rempli son office. Ils avaient essuyé assez peu de tir et le corps transpercé qu'ils avaient trouvé en haut du passage avait prouvé son efficacité. La suite de la progression avait été assez facile. De nombreuses escarmouches entre l'avant-garde et des groupes de quatre-cinq soldats mais rien de bien sérieux. Jianme avait surtout peur d'une intervention du dragon. Il l'avait vu passer au-dessus d'eux plusieurs fois sans que celui-ci ne fasse mine de s'intéresser à ce qui se passait en bas. Le troisième jour, il commençait à penser que Tzenk était mort par hasard. Le dragon voulait de l'or et il en avait. Son épée était célèbre pour sa garde et ses incrustations de pierres. Jianme avait obligé ses hommes à poser leur or et comme personne n'avait de pierre précieuse, il s'espérait à l'abri du monstre volant. Ses pisteurs avaient bien joué leur rôle pour déjouer les pièges. Deux morts seulement, c'était peu. Les traces de sang trouvé ça et là étaient le signe que leurs flèches valaient bien celles de leur ennemi. Tout blessé en face rendrait la tâche plus aisée.
Arrivé près du gros de la troupe, il appela un sergent.
- Où est-il ?
- Les tracks ne sont pas des bêtes de somme, ils n'aiment pas tirer les charges. Ils ont pris du retard.
- Quand arriveront-ils?
- Demain dans la journée!
- Trop long, je les veux à pied d'œuvre demain matin. Pars et transmets mon ordre, qu'ils marchent toute la nuit mais qu'ils soient là au lever du jour.
Le sergent salua, sauta sur son tracks et partit au galop.
En attendant, Jianme donna l'ordre de bivouaquer.

Quiloma avait donné l'ordre de ne tirer qu'à coup sûr. Il voulait donner l'impression qu'ils allaient manquer de flèches. Ce n'était pas le cas. Il avait obtenu de Kalgar des pointes de métal de bonne qualité. Ses hommes ne les aimaient pas car elles ne réagissaient pas comme leurs pointes habituelles. Il avait intensifié leur entraînement au tir pour compenser. Quand tomba la nuit, on comptait quelques blessés chez les assaillants mais pas chez les défenseurs. La nuit était avancée quand on le réveilla.
- Mon prince! Venez voir.
Quiloma vit les lueurs des torches dans la nuit. Il entendit les bruits dans le camp adverse. Il grimaça en pensant qu'ils avaient reçu des renforts. La bataille était loin d'être gagnée, pensa-t-il. Il fallut attendre le petit matin pour voir ce qu'il se passait.
L'arc géant trônait au milieu de la vallée. Il était loin, trop loin pour les tireurs de la vallée. Pour ceux des crêtes, avec l'aide de la différence de hauteur, ils avaient une chance d'être à portée de tir.
-Ivoho, essaie!
Ivoho regarda longuement les positions ennemies. Il vit les soldats décharger les lourdes flèches de l'arc géant. Prenant son arc, il s'avança au bord de la falaise. Encochant une flèche à bout de métal, il banda son arc. Il resta indifférent aux bruits venant du camp ennemi. On l'avait vu. On s'affairait pour viser avec l'arc géant. Ivoho décocha sa flèche quelques instants avant que l'arc géant ne tire. Les deux traits se croisèrent en vol. La lourde flèche fila droit sur le tireur qui se replia . Elle se planta dans un tronc non loin de Quiloma. On entendit un bruit évoquant le beuglement du macoca blessé. Quiloma se précipita pour voir une de leurs bêtes de trait s'enfuir en boitant. Bousculant des ennemis, Quiloma eut l'espoir un instant qu'elle renverse l'arc géant. Malheureusement pour lui, un soldat la détourna en la piquant avec une des grandes flèches. Il jura entre ses dents. Ivoho avait bien visé mais la portée était insuffisante. La bataille pour les gorges allait commencer.
Quiloma donna ses ordres et les informations sur les positions ennemies par code gestuel. La première attaque fut précédée par une pluie de flèches géantes sur la falaise. Ils avaient choisi un tir parabolique qui ne permettait pas de se mettre à l'abri. Quel que soit l'endroit du camp, on risquait de recevoir un projectile. Le guetteur fut touché. Le tir tomba à côté de lui. La lourde pointe de métal explosa la roche. Les éclats le blessèrent au front et à l'oeil. Quiloma dut le faire remplacer. Il ne voyait plus assez. Avant que son successeur ne soit en place, ils entendirent les cris de ceux qui chargeaient. Tout se précipita. Chacun connaissait son rôle. Protégés par de lourds boucliers de bois, les ennemis s'avançaient sur le chemin. Les guerriers blancs les plus en avant, posèrent leurs arcs et se préparèrent au corps à corps en sortant leurs deux épées courtes. Du haut de la falaise, les flèches se mirent à pleuvoir.
Jianme avait envoyé quelques dizaines d'hommes pour voir le dispositif de défense de cette gorge. Passer par la falaise était impossible. La roche en était pourrie. Il lui fallait passer en force. Il était content d'avoir fait venir le grand arc. Sa puissance allait être précieuse. La situation lui évoquait un siège quand la première brèche est ouverte. Il ne doutait pas de sa victoire. Il vit les archers, d'ailleurs pas très nombreux, de chaque côté. Il nota la position du premier groupe des défenseurs dans la gorge. Ils étaient derrière les rochers, probablement dans une de ces grottes. Il vit les premiers combats et la qualité des combattants. Il donna l'ordre de repli.
Quiloma fut étonné du retrait des ennemis. Il avait pensé qu'ils passeraient en force. Ils avaient sûrement une autre stratégie. Il fit le point, en haut, un blessé qui pouvait se battre, en bas, un konsyli plus sérieusement touché était hors de combat, ainsi que quelques autres moins atteints. Il n'y avait pas de morts, pas encore. Le reste de la journée se passa à attendre. Quiloma fit améliorer les défenses. Les ennemis n'allaient pas attaquer avec le soleil de face. Il fit préparer ses hommes pour le lever du jour.
La première grande flèche qui arriva, ne surprit personne. Elles se mirent à tomber régulièrement. Tout le monde se prépara au combat.
Jianme avait estimé le nombre de ses ennemis à quelques dizaines. Sans remparts, ils ne pouvaient pas tenir très longtemps. Le grand arc prépara le terrain.
Le premier groupe s'avança dans la gorge. Les lourds boucliers devant et au-dessus les protégeaient des flèches. Jianme avait fait préparer trente hommes. Comme un long serpent cuirassé, il avançait vers sa proie. Le grand arc tirait beaucoup mais pas assez vite pour empêcher l'action des jeteurs de pierres. Heureusement pour les attaquants les parois de la gorge n'étaient pas des remparts. De nombreuses pierres rebondissaient mal et s'écrasaient dans le ruisseau sans toucher personne. Jianme fit partir le deuxième groupe. Dès qu'ils se trouvèrent à l'entrée de la gorge, ils posèrent des échelles pour atteindre le premier niveau des grottes. Les défenseurs furent obligés de séparer leurs forces en deux.
Quiloma jura en voyant ces espèces de tiampos à plaques. On rencontrait ces animaux cuirassés dans le désert de glace. Ornés de lourdes plaques résistantes, les tiampos ne craignaient pas les épées. Accrochés à la glace, seul le feu pouvait les arrêter. Avec deux groupes d'ennemis progressant en bas, ses hommes ne tiendraient pas sans aide. Il décida d'enflammer le premier bûcher. Il fit signe à deux archers sur l'autre berge. Les deux hommes, côte à côte, tirèrent des flèches enflammées. Les premières furent inefficaces. Ils recommencèrent. Tout occupés à leur mission. Ils ne virent pas arriver la lourde flèche. Quiloma vit ses hommes se faire embrocher. Ils restèrent un instant comme figés puis lentement, ils basculèrent vers l'avant. Leur chute se fit sans un cri pendant que le bruit des premiers combats montait du fond de la gorge. Sans attendre, deux autres archers prirent leur place, décochèrent et se replièrent avant l'arrivée de la grande flèche. Le feu prit dans les branchages. Au départ, c'est à peine si on voyait la fumée. Le deuxième groupe des attaquants progressait juste en dessous. Quiloma ne voyant rien des foyers qui débutaient, fit préparer les cordes de lianes pour venir en aide à ceux qui combattaient en bas. Alors qu'on jetait la première, l'odeur caractéristique de pourri se fit sentir. Bientôt, Quiloma vit les volutes jaune-vert prendre du volume. Le bruit des combats cessa. Les guetteurs signalèrent le repli des ennemis. Le vent était favorable. Un gentil zéphyr courait dans la gorge. Quiloma eut un rictus de satisfaction. Bientôt c'est tout le camp ennemi qui allait être touché. Ses guerriers avaient comme ordre de se replier dès que viendrait la fumée. Ils avaient confectionné des masques en fibres végétales pour filtrer l'air.
Jianme enrageait. Il pleurait et toussait depuis un bon moment. Cette fumée était un mystère. Il y voyait la marque du dragon. Seul un souffle de ce monstre pouvait exhaler une telle puanteur. Elle était sortie d'une grotte juste au-dessus du deuxième groupe d'assaut. L'attaque se passait comme prévue. Le premier groupe avait établi le contact. Les combats étaient violents. Les longues épées et les boucliers avaient des avantages mais rendaient la manœuvre difficile dans cette gorge étroite. Les ennemis, ces infâmes serviteurs du démon, avec leurs deux épées courtes et leur petite taille avaient l'avantage de la mobilité. Alors que le deuxième groupe allait intervenir, les forces infernales s'étaient manifestées. Jianme avait fait reculer ses troupes jusqu'à avoir de l'air respirable. Il décida de préparer un rite pour contrer cela.
Quiloma avait aussi fait reculer ses hommes. Seul un guetteur restait pour surveiller l'ennemi. D'où il était, Quiloma voyait que le feu ne s'épuisait pas comme il avait pensé. Dans cet espace confiné qu'était la gorge de Cantichcou, la chaleur augmentait. Les autres bûchers étaient trop près. Pendant qu'il soignait les blessés, il vit un deuxième feu prendre puis celui d'au-dessus. Bientôt toute la paroi fut couverte de flammes. Ce qu'il se passa ensuite lui fut incompréhensible. Les légendes racontèrent que dans les flammes était apparu le dieu Dragon. Celui-ci avait alors fait exploser la roche provoquant le comblement de la gorge.
Quiloma n'en croyait pas ses yeux. La montagne avait ondulé comme si une main gigantesque l'avait modelée. Une épaisse fumée noire s'échappait du tas de roches qui obstruait la gorge. Le bruit, gigantesque, les avait quasiment rendus sourds. Le guetteur revint plus vite que prévu. De ses oreilles coulait du sang.
Dans le camp de Jianme, tout le monde était à terre. Les fumées jaune-vert irrespirables avaient fait exploser la falaise. Un vent de panique soufflait. Ils avaient vu voler des roches qu'aucun humain n'aurait pu soulever. L'une d'elles avait écrasé le grand arc comme s'il n'était que brindilles. Les animaux avaient rompu leurs liens et avaient fui. Les hommes se relevaient lentement, regardant autour d'eux comme s'ils voyaient le monde pour la première fois. Jianme regardait la gorge de Cantichcou. Une fumée épaisse et noire comme la nuit continuait à s'échapper de l'éboulis. Le passage avait disparu. La rivière s'asséchait.

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