La mort de Jianme avait calmé les
ardeurs guerrières à Tichcou. Le sous-officier qui se retrouvait en
charge du commandement pensait que ce n'était pas son rôle de
prendre des initiatives. Schtenkel avait fait un récit propre à
marquer les esprits. Personne n'était là pour le contredire.
Torétaro n'était pas rentré avec lui. Dans son discours, il
disparaissait comme avalé par la forêt. La réalité était autre.
Torétaro avait pris le discours du dragon comme un avertissement. Il
avait décidé que le temps était venu pour lui de retrouver son
peuple et sa terre. Il avait semé les poursuivants après la vallée
du dragon, remit Schtenkel sur le bon chemin, un ruisseau qui
arrivait en aval de la ville dans la vallée de Tichcou. Il avait
alors donné l'accolade à Schtenkel en lui souhaitant toutes les
bénédictions du monde et s'était enfoncé dans la forêt. Dans son
rapport, Schtenkel le faisait disparaître avant la rencontre avec le
dragon, victime d'un mal mystérieux. Il ajoutait des détails comme
Torétaro quasi aveugle et presque sans force se faisant raconter le
paysage pour les aider à progresser malgré tout. C'est cette
version qui arriva au palais de pierre en construction à Tienne. Le
chambellan, qui avait vu le dragon à l'œuvre sur l'ancien palais,
n'eut aucun mal à le croire. Il envoya un messager au roi pour
demander des ordres. La légende de Jianme commença à se répandre.
On vit arriver à Tichcou des chevaliers de la haute caste de la
province de Flamtimo. Leurs épopées racontaient les hauts faits de
ceux qui devinrent des dieux. Dans ces épopées, il y avait la
chasse au dragon. Lourdement armés, hyper entraînés, ces
chevaliers qui savaient les autres exploits épiques impossibles en
ces temps, venaient tenter leur chance d'atteindre à la divinité.
Schtenkel qui coulait des jours assez paisibles en se faisant
rémunérer pour raconter son histoire, vit d'un mauvais œil leur
apparition. Dans l'auberge qui lui tenait lieu de maison, l'entrée
du premier chevalier fit son effet. Grand comme une montagne disaient
les gens, large comme une armoire, il devait se baisser pour passer
sous le linteau de pierre de la porte. Il se déplaçait dans un
bruit de ferraille.
- Tu eess SCHETNEKEL dit-il à moitié
hurlant.
Le vide se fit comme par magie autour
des deux hommes. La soirée déjà bien avancée et bien arrosée
rendait Schtenkel moins réactif. Il toisa l'homme :
- Pt'ête bien !
- Alorrrrrs, rraconteux !, dit le
chevalier en posant deux pièces d'or sur la table.
Schtenkel avala sa salive, hypnotisé
par l'or et commença son récit.
- Nooonnn, Toi as pas bien comprrris,
dit le chevalier en tapant sur la table. Toi venirrr, conduirrre moi.
Il attrapa Schtenkel par le cou et le
souleva. Ce dernier poussa un cri mais personne ne l'aida.
- Toi avoirrr beaucoup d'orrrr quand
drrragon morrrt...
Sans autre forme de procès, il sortit
de l'auberge en emportant Schtenkel comme un fagot.
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