dimanche 19 août 2012


La mort de Jianme avait calmé les ardeurs guerrières à Tichcou. Le sous-officier qui se retrouvait en charge du commandement pensait que ce n'était pas son rôle de prendre des initiatives. Schtenkel avait fait un récit propre à marquer les esprits. Personne n'était là pour le contredire. Torétaro n'était pas rentré avec lui. Dans son discours, il disparaissait comme avalé par la forêt. La réalité était autre. Torétaro avait pris le discours du dragon comme un avertissement. Il avait décidé que le temps était venu pour lui de retrouver son peuple et sa terre. Il avait semé les poursuivants après la vallée du dragon, remit Schtenkel sur le bon chemin, un ruisseau qui arrivait en aval de la ville dans la vallée de Tichcou. Il avait alors donné l'accolade à Schtenkel en lui souhaitant toutes les bénédictions du monde et s'était enfoncé dans la forêt. Dans son rapport, Schtenkel le faisait disparaître avant la rencontre avec le dragon, victime d'un mal mystérieux. Il ajoutait des détails comme Torétaro quasi aveugle et presque sans force se faisant raconter le paysage pour les aider à progresser malgré tout. C'est cette version qui arriva au palais de pierre en construction à Tienne. Le chambellan, qui avait vu le dragon à l'œuvre sur l'ancien palais, n'eut aucun mal à le croire. Il envoya un messager au roi pour demander des ordres. La légende de Jianme commença à se répandre. On vit arriver à Tichcou des chevaliers de la haute caste de la province de Flamtimo. Leurs épopées racontaient les hauts faits de ceux qui devinrent des dieux. Dans ces épopées, il y avait la chasse au dragon. Lourdement armés, hyper entraînés, ces chevaliers qui savaient les autres exploits épiques impossibles en ces temps, venaient tenter leur chance d'atteindre à la divinité. Schtenkel qui coulait des jours assez paisibles en se faisant rémunérer pour raconter son histoire, vit d'un mauvais œil leur apparition. Dans l'auberge qui lui tenait lieu de maison, l'entrée du premier chevalier fit son effet. Grand comme une montagne disaient les gens, large comme une armoire, il devait se baisser pour passer sous le linteau de pierre de la porte. Il se déplaçait dans un bruit de ferraille.
- Tu eess SCHETNEKEL dit-il à moitié hurlant.
Le vide se fit comme par magie autour des deux hommes. La soirée déjà bien avancée et bien arrosée rendait Schtenkel moins réactif. Il toisa l'homme :
- Pt'ête bien !
- Alorrrrrs, rraconteux !, dit le chevalier en posant deux pièces d'or sur la table.
Schtenkel avala sa salive, hypnotisé par l'or et commença son récit.
- Nooonnn, Toi as pas bien comprrris, dit le chevalier en tapant sur la table. Toi venirrr, conduirrre moi.
Il attrapa Schtenkel par le cou et le souleva. Ce dernier poussa un cri mais personne ne l'aida.
- Toi avoirrr beaucoup d'orrrr quand drrragon morrrt...
Sans autre forme de procès, il sortit de l'auberge en emportant Schtenkel comme un fagot.

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