mardi 30 octobre 2012

Les feuilles prenaient des couleurs chaudes que le soleil faisait resplendir. Il s'en moquait. La voix aux yeux noirs avait parlé, il obéissait. « Du bois ! Il me faut du bois pour l'hiver ! Va ! » Il parcourait la forêt pour ramasser du bois. Bien que faible, il lui fallait ramener du bois à la voix aux yeux noirs. Chaque pas lui coûtait. Son corps lui faisait mal et la tête lui tournait. Il faisait quelques pas, s'appuyait sur un arbre, se reposait et recommençait. Il avait dû aller assez loin pour trouver des branches tombées. Il n'était pas le seul à chercher du bois pour la voix aux yeux noirs. Il avait fait un tas de ses découvertes. Il était content de lui. Le tas était important. Il en ramassa une brassée. Il ne put se relever. Il le posa et se redressa. Un brouillard passa devant ses yeux et le monde se mit à danser. Cela dura quelques instants. Il fut plus raisonnable à son deuxième essai. Il pensa qu'il reviendrait chercher le reste au cours d'un deuxième voyage. Il reprit le chemin de la maison de la voix aux yeux noirs. Déjà le soleil baissait quand il arriva devant la porte. Le deuxième voyage attendrait. La nuit n'allait pas tarder. Il arriva le dernier. Il vit le portier qui commençait à fermer la porte. Il se glissa juste à temps. Il haletait. Son corps fatigué réclamait du repos. Il lui fallait pourtant se présenter à la voix aux yeux noirs avant que de pouvoir aller se reposer. Il arriva dans la grande salle. Comme toujours la voix aux yeux noirs parlait. Elle parlait sans cesse.
- … juste assez pour cette journée. Mais te voilà, toi. Tu sais que tu es le dernier. Fais voir ce que tu ramènes...
Il déposa comme une offrande les quelques branches aux pieds de la voix aux yeux noirs. Malgré sa fatigue, il avait apporté du bois et demain, il ramènerait le reste.
- … C'est tout ce que tu m'apportes. Crois-tu que je vais me chauffer avec cela. C'est à peine si cela suffira à allumer la cheminée d'hiver. Je me demande pourquoi j't'ai ramassé. Tu étais plus mort que vif et c'est comme cela que tu me remercies de tout ce que je fais pour toi. Regarde-moi quand je te parle...
Il leva les yeux. Il rencontra les deux puits noirs où brûlait la flamme bleue. Il hurla de douleur. Il avait mal fait et la voix aux yeux noirs lui faisait comprendre. Tout était de sa faute. Elle avait tant fait pour lui et lui ne lui rendait pas. La honte qu'il ressentait l'écrasait. Demain, demain, il se rachèterait, même s'il finissait à genoux, il rapporterait son quota de bois.
- … Maintenant, pars et va dormir. Tu ne mérites même pas la nourriture que j'avais prévue pour toi...
Il fut tellement soulagé de l'arrêt de la douleur que l'annonce du jeûne ne lui fit aucun effet. Il partit à reculons pendant que la voix aux yeux noirs s'attaquait à un autre de ses soumis.
Il s'effondra plus qu'il ne se coucha sur sa paillasse.
Le lendemain, la faim le tenaillait. Il sortit très tôt pour aller chercher son bois. Il ne retrouva pas son chemin de la veille. Il eut une bouffée de désespoir. Supporterait-il encore la déception de la voix aux yeux noirs ? Ce n'était pas possible. Il fallait qu'il trouve quelque chose. Il s’agrippa à une grosse branche. Voilà ce qu'il devait ramener. Elle résista. Il ne pesait pas bien lourd et ses bras maigres manquaient de force. Un nouveau vertige le prit. Il se laissa glisser jusqu'au sol. Pendant qu'il reprenait son souffle, ses doigts se refermèrent sur une pierre. Elle était lisse et brillante avec un bord dentelé. Il eut un sourire. Avec cela, il allait pourvoir y arriver. Malgré la faim et les vertiges quand le soleil passa derrière la montagne, il avait coupé du bois et s'était fabriqué, avec deux longues perches, un travois pour ramener son bois. Il fut soulagé d'arriver à temps. Il se glissa avec les autres jusqu'à la grande pièce où régnait la voix aux yeux noirs :
- … dis-toi bien que tu mérites ce qui t'arrive. Tu devais m'obéir. Regarde-moi quand je te parle...
Il écouta la voix aux yeux noirs s'en prendre à ce grand soumis. Il avait pourtant ramené du bois mais n'avait pas fait quelque chose qu'elle avait demandé. Il écouta hurler le soumis. Il le vit se rouler par terre et embrasser les pieds de la voix aux yeux noirs en jurant qu'il ferait tout ce qu'elle voulait. Il fut heureux de n'être pas à la place du puni. Quand vint son tour, elle regarda le bois et le travois :
- … le bois que tu ramènes n'est même pas sec. Il brûlera mal et il va fumer...
Il commença à se recroqueviller. Il n'avait pas prévu cela. La voix aux yeux noirs voulait du bois sec pour brûler tout de suite. La peur lui serra le ventre. Il allait encore souffrir.
- … Tu es chanceux aujourd'hui. Tu ramènes un outil précieux. Nul ne m'a ramené de nouveauté. Tous, vous êtes plus stupides les uns que les autres. Tu es curieux, toi. Puisque tu sais trouver des choses, demain je veux plus de bois...
La joie l'envahit. Il n'allait pas souffrir. Il pourrait même manger. Il se dépêcha de partir pendant qu'elle s'occupait du suivant. Il se dirigea vers la pièce à manger. Un soumis lui tendit une écuelle à moitié fendue remplie d'un gruau de farine de fruits secs. Quand il alla s'allonger sur sa paillasse, il pensa qu'il était le plus heureux. Il avait le ventre plein et un endroit pour dormir. Demain, demain serait un autre jour.
Les jours se suivaient et se ressemblaient. Des fois, la voix aux yeux noirs voulait de l'eau, il allait chercher de l'eau, des fois elle voulait du bois, il allait chercher du bois. C'est ce qu'il faisait aujourd'hui. Il avançait vers une région de la forêt où les arbres étaient moins hauts, moins gros. Il pouvait en casser plus et en ramener plus. Il arriva à la clairière où coulait une source. Il aimait bien venir là. L'eau était claire et douce à boire. Il avança confiant en traînant son travois. C'est là qu'il vit la bête. C'était une grosse bête au pelage noir et aux yeux rouges. Elle était tranquillement allongée au milieu de la zone herbeuse près de l'eau. Elle mangeait. Il la regarda. Elle déchirait des morceaux à la carcasse encore fumante. Elle le regarda approcher. Elle ne semblait pas avoir peur, ni être dérangée par lui. Il avait su le nom de ces bêtes, autrefois. Il ne savait plus. Il y avait tant de choses qui lui échappaient. Tout cela n'avait aucune importance. Seule la volonté de la voix aux yeux noirs comptait maintenant pour lui et pour les autres soumis. Pourrait-il ramener du bois ou allait-il devoir se battre pour que se fasse la volonté de la voix aux yeux noirs. Les yeux rouges le regardaient. Un curieux ronronnement s'échappait de la gueule pleine de crocs. Son estomac y répondit par un gargouillis de faim. Plus la saison avançait et moins il y avait à manger. Il avait déjà vu ça et là les dépouilles d'autres soumis morts de faim. Le froid se faisait plus vif. Les quelques loques qu'il avait sur le dos ne le protégeaient que médiocrement. La farine pour le gruau était réservée à ceux qui passaient l'épreuve du soir sans irriter la voix aux yeux noirs. Hier, il en avait subi la colère. Il avait fauté en renversant l'eau demandée. Aujourd'hui, il voulait se racheter. Il savait que son travois devrait crouler sous le bois pour qu'elle lui pardonne son erreur funeste. Si elle ne l'avait pas puni, il aurait fait pire. Son esprit se révulsait à l'idée de la décevoir et son corps se convulsait à l'évocation des douleurs. La bête noire aux yeux rouges lui posait problème. Elle pouvait être un danger pour sa mission. Il regardait surtout la carcasse. De la nourriture ! Son ventre réclamait et protestait de ne pas recevoir selon ses besoins. Son esprit luttait. Il sursauta quand la bête bougea. Elle s'éloigna d'un pas souple et silencieux, laissant sur place sa proie. Il n'attendit pas. Il se jeta dessus. Le goût en était délectable. Il ne laissa que les os bien nettoyés. Quand il rentra le soir, une énergie nouvelle coulait dans son corps.
- … Tu m'étonneras toujours, toi. Je te pensais devenu comme ceux qui meurent et tu ramènes du bois comme deux. Tu auras ta part ce soir, mais demain puisque que tu sembles si fort, tu me ramèneras encore plus...
Il écouta ce discours comme un compliment. Il pensa que la voix aux yeux noirs serait contente demain qu'il lui offre encore plus de combustible. Pour la première fois depuis des jours et des jours, il dormit tranquillement.
Quand le soleil dépassa la crête des montagnes, il était déjà parti, tout empli de sa mission sacrée, satisfaire la voix aux yeux noirs. Dans la clairière, il trouva la bête aux yeux rouges. Elle était allongée sur le tapis de mousse, la tête posée sur les pattes avant. Elle le regarda avancer. Devant elle, il y avait une carcasse fraîche, comme si elle l'attendait. Il s'approcha presque à toucher la bête noire aux yeux rouges. De fugaces images, d'imperceptibles impressions lui traversaient l'esprit sans qu'il puisse fixer son attention dessus. Cette bête aux yeux rouges, c'était... c'était... Non ! Il ne se souvenait pas. La carcasse aussi était une bête qu'il avait déjà vue avant. Avant quoi ? Avant ! Il y avait là, dans son esprit quelque chose de rétif qui ne voulait pas coopérer. Il avança la main pour saisir la viande. La bête aux yeux rouges ne bougea pas. Il s'assit, déchirant à pleines dents cette chair encore tiède. Tout en mangeant, il regarda autour de lui. Il vit un tas de bois. Il fut étonné. Hier, il n'avait rien laissé. Cette clairière devait être magique. Le bois mort s'y rassemblait. Aujourd'hui, il n'aurait qu'à charger son travois pour avoir fini sa mission. La voix aux yeux noirs serait contente, il ramènerait ce qu'elle avait demandé. Quand il eut le ventre plein, il s'allongea. Le ronronnement de la bête aux yeux rouges avait un effet quasi hypnotique. Il s'endormit.
Il se réveilla la tête claire. Il ne s'était pas aussi bien reposé depuis... depuis... cela aussi lui échappait. Il était sûr que c'était depuis longtemps. Il se leva et chargea les branches. Le soleil était proche des sommets du couchant. Il était temps de rentrer. Un arbre tombé l'obligea à faire un détour. Il en fut heureux quand il découvrit un buisson chargé de baies. Il en mangea un grand nombre. Sucrées et juteuses, elles étaient délicieuses. Quand il arriva à la porte de la demeure de la voix aux yeux noirs, il était dans les derniers.
Alors qu'elle avait puni tous ceux qui le précédaient, elle ne lui dit presque rien. Elle se contenta de lui demander encore plus pour le lendemain. Il fut heureux, la voix aux yeux noirs n'avait pas trouvé de sujet de mécontentement en lui et même, suprême satisfaction, elle était restée un instant sans pouvoir parler quand elle l'avait vu. Il rejoignit le réfectoire et les autres soumis. Il remarqua comme tous se tenaient voûtés et semblaient prêts à tomber. Des questions affleuraient à son esprit. Il prit son écuelle de gruau et alla se mettre dans un coin. Ici, chacun mangeait seul en tournant le dos aux autres pour protéger sa pitance. Il y avait déjà eu des vols de nourriture. Il vérifia que personne ne le regardait. Quand il fut rassuré, il sortit discrètement d'un repli des baies jaunes qu'il avait cueillies. Il les mélangea en les écrasant à la farine tiède. Il pensa : « Quelle belle journée ! ».
Le lendemain, il était de retour à la clairière. Il eut le sentiment de revivre la veille. La bête aux yeux rouges était là, la viande était là, le bois était là et même des baies jaunes. Il prit le temps de se nourrir. Quand il eut fini, la bête aux yeux rouges se leva. Elle s'approcha de lui sans se presser et le poussa. Il se laissa faire. Elle continua son manège jusqu'à ce qu'il la suive. Elle prit le petit trot. Il suivit un moment et trop essoufflé s'arrêta. Elle l'attendit et recommença son manège. Il comprit. Elle voulait jouer. La bête noire aux yeux rouges cherchait un ami pour jouer. Il passa sa journée à courir avec elle, à lutter pour la possession d'une branche ou pour faire des roulé-boulés. Quand arriva le soir, il était fatigué mais content. Il pensa que la voix aux yeux noirs n'était peut-être pas le tout du monde.
Pendant tout le temps qu'une lune met pour devenir pleine et disparaître, la voix aux yeux noirs sembla moins s’intéresser aux soumis. La cérémonie du soir avait toujours lieu. Les punitions étaient toujours aussi fréquentes. Avec le froid qui semblait s'installer le nombre des soumis diminuait. Quand il passait devant elle, son regard restait empli d'interrogations mais la voix aux yeux noirs exigeait encore et encore du bois. Quand il le rangeait dans le grand bûcher, il pensa que même si tous les soumis ramenaient autant de bois que lui tous les jours, il y aurait encore besoin de deux ou trois lunes pour le remplir. Son corps lui parlait de saison froide chaque jour un peu plus nettement.
Tous les matins, il sortait de la demeure de la voix aux yeux noirs. Il ne s'inquiétait plus pour le bois, la clairière ensorcelée lui en fournissait assez. Il pensait à la bête aux yeux rouges et aux jeux qu'ils allaient découvrir ensemble. Il était maintenant capable de soutenir le petit trot sur de grandes distances et même de la soulever. Ce soir là, quand ils se séparèrent le ciel était rempli de nuages sombres. Le froid était plus mordant. Il prit son travois. Il commença à le tirer. En arrivant à proximité de la demeure de la voix aux yeux noirs de curieuses petites choses blanches flottaient dans l'air. Ça aussi, il aurait dû en savoir le nom, mais ses souvenirs étaient dans sa vie d'avant. Il en attrapa une et la mit dans sa bouche. Des images affluèrent dans son esprit, des paysages blancs et froids, des sensations de glisse, des impressions de crissement sous ses pieds. Quand il ouvrit les yeux, il vit la demeure de la voix aux yeux noirs. À la cérémonie du soir, il la vit cligner des yeux. Il en fut étonné. Même si son babil continuait, il la sentit mal à l'aise. Si elle le fixa dans les yeux, s'il vit la flamme bleue et froide, il n'eut qu'un léger malaise. La voix aux yeux noirs se rattrapa sur le suivant qui s'écroula par terre en hurlant. Il quitta la pièce pour aller au réfectoire, la tête rempli de sentiments contradictoires.
Quand il ouvrit la porte au matin, le froid était vif et toutes ces petites choses blanches s'étaient accumulées par terre. Ce n'était qu'un voile répandu sur le sol. Dans son esprit d'autres images se présentaient. Elles étaient trop fugitives pour que leur souvenir reste. Il en fut déçu. Il pensa à la bête aux yeux rouges. Il était persuadé qu'avec cette chose blanche, elle allait inventer un nouveau jeu. Il allongea le pas. La nuit tombait vite maintenant, il ne voulait pas la manquer. Les autres soumis sortaient à sa suite. De plus en plus voûtés, de plus en plus maigres, ils se traînaient plus qu'ils ne marchaient. Il pensa qu'au soir, beaucoup ne rentrerait pas. Ces pensées le quittèrent aussi vite que les impressions de souvenirs. Il avait une mission. La voix aux yeux noirs lui avait dit :
-... Va et apporte-moi le plus gros tas de bois que tu pourras. Je te récompenserai à ta juste valeur. Tes yeux ne quitteront plus les miens...
Il n'avait pas compris ce que cela signifiait. Il avait juste entendu la promesse de contentement de la voix aux yeux noirs. Maintenant, il courait. La bête aux yeux rouges lui manquait. Il avait la sourde intuition que cette journée serait leur dernière rencontre. Il arriva à la clairière. Il fut soulagé. La bête aux yeux rouges était là. Mais... elle semblait partir. Elle tourna la tête vers lui, émit un cri comme un adieu et s'élança de toute sa puissance. Il ne tenta même pas de la suivre. Il savait que jamais il ne pourrait courir aussi vite qu'elle. Le cœur tout triste, il avança jusqu'à la souche qu'il avait installée pour se faire un siège. Il se laissa tomber dessus et mettant les mains sur son visage, il pleura. Les choses blanches qui tombaient avaient chassé la bête aux yeux rouges. Il pleura ainsi un moment. Puis de hoquet en sanglots, ses pleurs se tarirent. Revint alors à son esprit, la mission qui était la sienne : le bois pour la voix aux yeux noirs. De ses yeux rougis, il regarda autour de lui. La clairière avait encore ramassé du bois. Il aurait son chargement pour le soir. C'est alors qu'il le remarqua. La certitude l'envahit. S'il n'en savait pas le nom, l'objet était à lui. Sombre et brillant, il était posé sur les plus grosses branches. Il s'approcha. Il le prit. Le poids lui fut familier. Sa main se souvint, son bras se souvint, son corps savait. Si les mots étaient partis, le savoir de son corps était encore présent. Il éclata de rire. Passant la lanière à son poignet, il fit des moulinets. Parfait, l'objet sombre et brillant était parfaitement accordé à son corps. Il l'abattit de toute sa force sur la branche qui explosa sous le choc. A nouveau son rire se fit entendre dans la clairière. La bête aux yeux rouges était partie, chassée par les choses blanches et froides qui tombaient du ciel mais elle lui avait laissé l'objet. Jamais il ne pourrait oublier la bête aux yeux rouges car jamais plus il n'abandonnerait l'objet sombre et brillant. Il passa sa journée à jouer avec. Son corps n'avait rien oublié du maniement de cet objet merveilleux. C'est la voix aux yeux noirs qui allait être surprise. Il était sûr qu'elle n'avait jamais vu d'objet aussi beau et aussi utile. Elle serait aussi étonnée que lorsqu'il était revenu avec le travois.
Le soleil n'avait pas disparu derrière les montagnes quand il arriva devant la porte de la demeure de la voix aux yeux noirs. Sur le chemin, il avait vu plusieurs soumis, allongés. Il ne s'était pas arrêter. Il savait qu'ils étaient morts, morts de faim et de froid. Telle était la vie quand on servait la voix aux yeux noirs. Elle commandait, ils obéissaient jusqu'à ce que mort s'ensuive. Devant lui, d'autres soumis rentraient, portant de misérables fagots. Lui ne portait que son objet sombre et brillant. Il le portait fièrement, raide et droit. Il prit son tour dans la file qui allait à la cérémonie. Avec le froid, le nombre des soumis avait beaucoup diminué. Il aurait peu à attendre. La voix aux yeux noirs venait de punir un soumis quand ce fut son tour. Il arriva les bras ballants, l'objet sombre et brillant prolongeant son bras.
- … Quoi ! Tu arrives devant moi sans même un bout de bois ! Tu as failli à ta mission !
La voix aux yeux noirs montait dans les aiguës. Il savait ce qui allait arriver. Il y avait déjà assisté. Le soumis qui avait déclenché cela, s'était effondré en hurlant. Ses cris de douleurs avaient duré toute la nuit. Quand il était passé devant lui le matin, il l'avait vu tout tordu et sur son visage un tel rictus de souffrance qu'il avait pensé : « Jamais ça ! ».
- Tu ne méritais pas ce que j'ai fait pour toi. Au pied d'un arbre, tu étais tombé comme un mauvais fruit que tu es. Par pitié, je t'ai soigné et t'ai donné une place parmi les soumis. Sans cœur, tu fais plus que me décevoir. Aujourd'hui, tu mérites ma colère...
- NON ! hurla-t-il en explosant la table d'un coup de son objet sombre et brillant.
La voix aux yeux noirs resta sans pouvoir éructer un son. Ses yeux virèrent au bleu froid et dur.
- TU OSES...
- OUI ! hurla-t-il en explosant le tabouret où s'asseyait la voix aux yeux noirs.
- JE VAIS T'APPRENDRE QUI EST LE MAÎTRE ICI !
- MOI ! hurla-t-il en explosant la tête de la voix aux yeux noirs.

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