Darquiflou avait subi les épreuves de soumission avec colère, mais il ne pouvait pas s'opposer au sorcier noir. Celui-ci connaissait son nom et le moyen de s'en servir pour le faire souffrir. Il avait compris qu'il lui fallait céder devant la force brute. Il n'était pas sorti du vase qui le contenait. Il avait subi, subi, subi et cela avait renforcé sa colère. Il avait compris qu'il allait être mis à disposition d'un autre qu'il espérait moins puissant. Il avait senti qu'on le transportait. Cela avait duré un certain temps, trop de temps à son goût. Il sentait que quelqu'un avait manipulé sa "boîte" comme il disait. Il sentait aussi des forces en jeu mais n'arrivait pas à déterminer ce qu'elles étaient. Il les considéra comme dangereuses puisque inconnues.
Son couvercle se souleva. Une voix l'appela par son nom. Il jura intérieurement un autre sorcier ? Il sortit n'ayant pas le choix de refuser. Il était dans une pièce vaste, richement meublée. En face de lui était un homme manifestement habitué au commandement. Il se prépara au pire, sachant que les sorciers capables de soumettre les démons, aimaient souvent faire souffrir. Et puis il prit conscience. En face de lui, ce n'était pas un sorcier mais un homme. Cela changeait tout. Les hommes faisaient beaucoup plus de fautes. Darquiflou entrevoyait la possibilité de s'en sortir. Loin du sorcier noir, cet homme ne faisait pas le poids, même s'il se croyait supérieur. Il ne fallait pas qu'il fasse de faute car l'homme avait son nom, même s'il n'avait pas les pouvoirs des sorciers. Darquiflou se dit qu'il allait commencer par endormir la méfiance de ce nouveau maître et qu'il frapperait après. Quand il aurait compris ce que cherchait l'homme, il pourrait trouver comment s'en débarrasser. Et puis si par malheur pour lui, il ne prononçait pas le nom au début de chaque phrase, alors c'est lui qui pourrait s'amuser avec l'homme. Pour suivre les ordres du sorcier noir, il prit une forme vaguement humaine. Il était capable de mimer de multiples formes, mais pour le moment, il était bloqué par les sorts de grand sorcier. L'homme devant lui jubilait. Il se sentait fort. Darquiflou sentait sa peur, au ton de sa voix trop forte. La peur le rendrait attentif, la faute n'était pas pour maintenant. Il fit faire une génuflexion à sa forme humanoïde. Si l'homme avait été un sorcier, il aurait vu que le démon prenait beaucoup plus de place que cette petite forme devant lui qui dansait au dessus du vase.
Sinta souriait devant l’apparition. Le sorcier ne l’avait pas trompé. Il fallait qu’il réfléchisse à ce qu’il allait en faire. Ce démon représentait une force puissante mais risquée. Etre convaincu de commerce avec les esprits entraînait la mort.
- Darquiflou, m’entends-tu ?
- Oui, maître.
- Darquiflou, personne ne doit te voir que moi seul. Darquiflou, tu ne dois me parler que si je suis seul.
- Oui, maître.
- Darquiflou, ton premier ordre sera de faire taire à jamais le prince commandant les armées.
- Oui, maître.
La forme qui tremblait au-dessus du vase, fit une génuflexion et se dissipa.
- Darquiflou !
- Oui, maître, fit le démon qui réapparut au-dessus de son vase.
- Darquiflou, tu fermeras le couvercle de ton vase en rentrant quand tu auras fini ta mission.
- Oui, maître.
La forme de nouveau semble s’évaporer. Le conseiller Sinta ramassa le vase. Il l’amena dans son cabinet de travail et l’enferma dans le coffre aux secrets. Celui-ci était gardé jour et nuit par ses soldats qui avaient ordre de ne laisser approcher personne sauf lui.
- Darquiflou, m’entends-tu ?
- Oui, maître.
- Darquiflou, personne ne doit te voir que moi seul. Darquiflou, tu ne dois me parler que si je suis seul.
- Oui, maître.
- Darquiflou, ton premier ordre sera de faire taire à jamais le prince commandant les armées.
- Oui, maître.
La forme qui tremblait au-dessus du vase, fit une génuflexion et se dissipa.
- Darquiflou !
- Oui, maître, fit le démon qui réapparut au-dessus de son vase.
- Darquiflou, tu fermeras le couvercle de ton vase en rentrant quand tu auras fini ta mission.
- Oui, maître.
La forme de nouveau semble s’évaporer. Le conseiller Sinta ramassa le vase. Il l’amena dans son cabinet de travail et l’enferma dans le coffre aux secrets. Celui-ci était gardé jour et nuit par ses soldats qui avaient ordre de ne laisser approcher personne sauf lui.
Le démon s’était rendu invisible aux yeux de l’humain. Il rageait. Il y avait tant d’âmes à tourmenter ici et il n’avait pas le pouvoir. Sa colère brûlait contre ce nouveau maître stupide. Après cette première conversation, il ne doutait pas de la faute. Cet homme aimait trop s’écouter parler pour ne pas oublier de dire son nom à chaque phrase. L’avenir lui apparaissait favorable. Il se mit en route à la recherche de sa proie. Il se laissa guider par les forces obscures et arriva près d’un terrain d’entraînement. Des soldats y maniaient toutes sortes d’armes qui seraient sans effet sur lui. Le prince commandant inspectait une troupe. Le démon s’approcha. Il ouvrit grand ce qui lui servaient de mains et les referma sur le cou de l’homme. Celui-ci eut un spasme et s’écroula. Tout le monde le vit tomber mais personne ne vit le démon. Les plus proches se précipitèrent pour aider le prince qui déjà se relevait. Il voulut crier un ordre mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il était devenu muet.
Cantasha souffrait. Une mauvaise chute pour éviter des cavaliers au grand galop, l’avait envoyée dans un ruisseau encaissé sur le côté de la route. Renatka était à ses côtés. Kontaga était resté sur le chemin. Il pataugeait dans l’eau pour relever Cantasha qui s’accrochait comme elle pouvait aux herbes du bord. Il la prit dans ses bras. Elle avait cru un instant se noyer quand elle s’était retrouvée sous l’eau. Maintenant, elle toussait et luttait contre la douleur intense de sa cheville.
Renatka avait de l’eau à mi-cuisse et essayait de voir comment il pourrait sortir de ce fossé naturel dans lequel ils étaient. Kontaga les regardait d’en haut, les encourageant de la voix. Renatka estima la hauteur pour sortir à deux fois la sienne. Les maigres herbes qui poussaient sur les pentes ne lui permettraient pas de sortir avec Cantasha. Seul, le défi aurait été difficile à relever. Il ne pouvait pas laisser la diseuse de runes au fond de ce fossé. Il regarda Cantasha qui ne toussait plus, elle était pâle, respirant difficilement. Il l’appela. Elle ne répondit pas. La douleur lui emplissait le corps, un brouillard blanc lui obscurcissait la vue. Elle entendait la voix de Renatka comme si elle venait de très loin. Elle entendit sa panique, elle voulait répondre que cela allait aller, qu’il fallait qu’il trouve un passage, mais aucun son ne sortait de sa bouche. Le noir s’installa devant ses yeux. Renatka hurla quand il sentit Cantasha perdre connaissance. Il n’y avait nul endroit où la poser. Il paniquait presque. Kontaga essayait de le rassurer. Renatka respira lentement, reprenant la maîtrise de lui-même.
- Kontaga, as-tu une corde ?
- Non, je n’ai rien. Comment va-t-elle ?
- Elle respire, elle a juste perdu connaissance. Vois-tu par où je pourrais sortir de là ?
- Je regarde.
Kontaga se mit à courir en allant vers l’amont. Renatka se cala sur la paroi du fossé en l’attendant. Même si Cantasha était légère, il ressentait la fatigue. Le temps sembla long avant le retour de Kontaga. Il était porteur de mauvaises nouvelles. Plus haut, une cascade barrait le ruisseau et ne permettait pas de remonter. Soit la sortie serait plus loin en aval, soit il fallait trouver une corde pour les sortir de là.
- Je pars vers l’aval pour voir si je trouve un passage ou une corde. Commence à descendre si tu peux, Renatka. Je te retrouve dès que possible.
- D’accord, mais envoie-moi mon sac que je prenne une couverture qu’elle n’ait pas froid.
Au lieu de lui expédier son sac, Kontaga en sortit la couverture et l’a jeta avec adresse sur Cantasha. Renatka l’enveloppa avec et se mit en marche. Après un dernier mot d’encouragement Kontaga était parti chercher de l’aide.
Renatka avait de l’eau à mi-cuisse et essayait de voir comment il pourrait sortir de ce fossé naturel dans lequel ils étaient. Kontaga les regardait d’en haut, les encourageant de la voix. Renatka estima la hauteur pour sortir à deux fois la sienne. Les maigres herbes qui poussaient sur les pentes ne lui permettraient pas de sortir avec Cantasha. Seul, le défi aurait été difficile à relever. Il ne pouvait pas laisser la diseuse de runes au fond de ce fossé. Il regarda Cantasha qui ne toussait plus, elle était pâle, respirant difficilement. Il l’appela. Elle ne répondit pas. La douleur lui emplissait le corps, un brouillard blanc lui obscurcissait la vue. Elle entendait la voix de Renatka comme si elle venait de très loin. Elle entendit sa panique, elle voulait répondre que cela allait aller, qu’il fallait qu’il trouve un passage, mais aucun son ne sortait de sa bouche. Le noir s’installa devant ses yeux. Renatka hurla quand il sentit Cantasha perdre connaissance. Il n’y avait nul endroit où la poser. Il paniquait presque. Kontaga essayait de le rassurer. Renatka respira lentement, reprenant la maîtrise de lui-même.
- Kontaga, as-tu une corde ?
- Non, je n’ai rien. Comment va-t-elle ?
- Elle respire, elle a juste perdu connaissance. Vois-tu par où je pourrais sortir de là ?
- Je regarde.
Kontaga se mit à courir en allant vers l’amont. Renatka se cala sur la paroi du fossé en l’attendant. Même si Cantasha était légère, il ressentait la fatigue. Le temps sembla long avant le retour de Kontaga. Il était porteur de mauvaises nouvelles. Plus haut, une cascade barrait le ruisseau et ne permettait pas de remonter. Soit la sortie serait plus loin en aval, soit il fallait trouver une corde pour les sortir de là.
- Je pars vers l’aval pour voir si je trouve un passage ou une corde. Commence à descendre si tu peux, Renatka. Je te retrouve dès que possible.
- D’accord, mais envoie-moi mon sac que je prenne une couverture qu’elle n’ait pas froid.
Au lieu de lui expédier son sac, Kontaga en sortit la couverture et l’a jeta avec adresse sur Cantasha. Renatka l’enveloppa avec et se mit en marche. Après un dernier mot d’encouragement Kontaga était parti chercher de l’aide.
Cantasha reprenait doucement ses esprits. Renatka marchait la portant toujours.
Ils parlaient tout en marchant. Cantasha souffrait beaucoup de sa cheville. Elle sentait bien qu’elle ne pourrait pas poser le pied par terre.
- Les runes ne pourraient t’aider ?
- Non, ma voix est altérée par la souffrance et je risque de ne pouvoir me concentrer suffisamment pour cantiler correctement.
- On, on va bien trouver un coin pour sortir de ce trou.
- Qu’est-ce qui s’est passé ? Je me souviens que je marchais sur la route mais pas pourquoi je suis tombé dans ce ruisseau.
- Tu marchais, comme d’habitude, à côté de Kontaga, vous parliez de Simantaba et des cavaliers ont surgi au galop. Il t’a poussée pour les éviter. Tu as glissé sur le bord et tu as disparu. Je me demande pourquoi, il n’est pas parti de l’autre côté, car il avait la place de s’y réfugier.
- Tu sais, Renatka, on ne réfléchit pas toujours. Il a eu peur des cavaliers et n’a pas pensé qu’il me poussait. Il a dû craindre de passer sous leurs sabots.
- Peut-être, mais maintenant à cause de lui, nous sommes coincés ici.
Tout en parlant Renatka regardait les bords du ruisseau. Celui-ci semblait s’enfoncer doucement sous terre en creusant une gorge. Heureusement, l’eau était peu profonde et le fond sableux, permettait une marche facile. Par chance, il découvrit une sorte de banquette naturelle en pierre que laquelle, il put poser Cantasha pour se reposer. C’est alors que la pluie qui menaçait depuis des jours se mit à tomber.
Ils parlaient tout en marchant. Cantasha souffrait beaucoup de sa cheville. Elle sentait bien qu’elle ne pourrait pas poser le pied par terre.
- Les runes ne pourraient t’aider ?
- Non, ma voix est altérée par la souffrance et je risque de ne pouvoir me concentrer suffisamment pour cantiler correctement.
- On, on va bien trouver un coin pour sortir de ce trou.
- Qu’est-ce qui s’est passé ? Je me souviens que je marchais sur la route mais pas pourquoi je suis tombé dans ce ruisseau.
- Tu marchais, comme d’habitude, à côté de Kontaga, vous parliez de Simantaba et des cavaliers ont surgi au galop. Il t’a poussée pour les éviter. Tu as glissé sur le bord et tu as disparu. Je me demande pourquoi, il n’est pas parti de l’autre côté, car il avait la place de s’y réfugier.
- Tu sais, Renatka, on ne réfléchit pas toujours. Il a eu peur des cavaliers et n’a pas pensé qu’il me poussait. Il a dû craindre de passer sous leurs sabots.
- Peut-être, mais maintenant à cause de lui, nous sommes coincés ici.
Tout en parlant Renatka regardait les bords du ruisseau. Celui-ci semblait s’enfoncer doucement sous terre en creusant une gorge. Heureusement, l’eau était peu profonde et le fond sableux, permettait une marche facile. Par chance, il découvrit une sorte de banquette naturelle en pierre que laquelle, il put poser Cantasha pour se reposer. C’est alors que la pluie qui menaçait depuis des jours se mit à tomber.
Quand ils entendirent kontaga, ils furent rassurés. La pluie avait depuis longtemps transpercé leurs vêtements et ils commençaient à avoir froid dans le soir qui tombait. Après quelques cris pour les repérer, Kontaga leur avait annoncé la bonne nouvelle :
« J'ai une corde et j'ai trouvé des gens pour m'aider. On va pouvoir vous sortir de là.
- Envoie la corde, on discutera après », répondit Renatka.
Il en attrapa l'extrémité et la noua sous les bras de Cantasha. Le fossé faisait environ trois hauteurs d'homme. Il vit Kontaga et un ou deux visages regarder au-dessus du trou. Il cria pour qu'ils remontent la diseuse de runes. Il vit s'élever Cantasha, il l'aida du mieux qu'il pouvait pour qu'elle ne se fasse pas mal. Puis il vit des bras musclés la récupérer. Il se dit qu'il allait bientôt sortir de là lui aussi. L'eau montait et il craignait de ne pas résister au courant. Le temps lui semblait long pour défaire un noeud. Il appela Kontaga, mais n'eut pas de réponse. Ses craintes sur la droiture du personnage lui revinrent en mémoire. Il pensait que quelque chose n'allait pas. Kontaga était intéressé par la diseuse de runes, mais que cherchait-il ? Il appela une nouvelle fois. La tête de Kontaga apparut au bord du fossé :
« Ca arrive, ça arrive dès qu'on a réussi à défaire le noeud que tu as fait !
- Dépêche-toi, l'eau monte. »
Avec la pluie qui redoublait, le paisible ruisseau s'était animé. Renatka tenait bon dans le courant mais celui-ci prenait de la force. Il n'avait pourtant pas serré son noeud, mais c'est sûr que si on tirait dessus sans précaution, il pouvait se coincer. Il pensa qu'avec un peu de patience tout serait fini. Il s'adossa à la paroi pour attendre. Quand la corde arriva devant lui, l'eau lui montait plus haut que la ceinture. Il fit le noeud sous ses bras, l'eau lui atteignait la poitrine. Il cria à Kontaga de tirer car il ne tenait plus face au courant. La corde le souleva. Il pensait que l'ascension serait courte. Il aida autant qu'il pouvait en se guidant sur la paroi rocheuse. Le ruisseau maintenant était impétueux. Nul n'aurait pu tenir. Il était content que cela se finisse. Il n'avait pas fait la moitié du trajet que la corde céda. Kontaga qui regardait le déroulement des opérations, poussa un cri quand il vit Renatka disparaître dans l'eau devenue boueuse.
Sinta subissait la pression des « amis » du sorcier noir. Ils lui avaient fait un cadeau, à lui de montrer sa bonne volonté. Ils ne lui demandaient pas grand chose mais un geste qui permettrait au sorcier noir de croire en sa bonne volonté. Par exemple faire cesser la fabrication des flèches runiques, ou simplement la diminuer, que les forces sur le terrain soient plus favorables aux guerriers noirs. Sinta en avait conclu que le plus simple était de faire disparaître la diseuse. Elle était malade et personne ne l'avait revue depuis des jours et des jours. L'odeur de son appartement laissait penser à quelque chose d'infamant qui l'empêchait de se montrer. Elle vivait encore puisqu'elle continuait à prendre ses repas et à faire des flèches. Les gardes à sa porte étaient formels, elle avait interdit sa porte. Il fallait lui laisser les plateaux et les flèches dans l'antichambre. Sinta pensa que le démon pourrait se rendre utile. Même si on découvrait sa participation démoniaque, c'est le sorcier noir qui en serait accusé. Oui, se dit-il, voilà une bonne idée. Isolé dans son appartement, il avait mis l'urne devant lui.
« Darquiflou, sors et viens recevoir tes ordres.
- Oui, maître, dit le démon en sortant et en reprenant une forme.
- Darquiflou, il y a dans ce palais une diseuse de runes qui fait des flèches runiques contre le sorcier noir. Darquiflou, tu vas la tuer. Darquiflou, tu la tues elle et son compagnon s'il est encore là. Darquiflou, une fois fini, tu rentres dans ton urne et tu attends que je vienne chercher ton rapport. Darquiflou, tu as compris mes ordres. Darquiflou, si tu fais mal je te renvoie au sorcier noir pour qu'il te punisse. Darquiflou, va maintenant.
- Oui, maître, j'ai bien compris. Je ferai selon vos ordres. Mais tuer une diseuse est une tâche difficile. Il me faudra plus de temps que pour faire taire l'autre homme.
- Darquiflou, ne traîne pas, il pourrait t'en cuire, je te donne trois jours.
- Oui maître, j'essaierai de te satisfaire.
- Darquiflou, il ne s'agit pas d'essayer. Darquiflou, malheur à toi si tu échoues ! »
Le démon partit à la recherche de sa proie. Une diseuse de runes n'était pas une proie facile. Elle devait savoir assez de magie pour se protéger contre les maléfices. En plus lors de leurs initiations, les diseuses recevaient des runes de protection qui étaient tatouées sur leurs corps. Les attaques magiques par l'extérieur échouaient sur de telles défenses. Il repéra sans peine l'appartement de la diseuse. Il apprit un autre élément qui le mit mal à l'aise. C'était une grande diseuse. Elle avait donc encore plus de puissance que les autres. Il alla inspecter sous une forme éthérique le couloir de l'appartement. Il vit les gardes, il vit aussi des petits êtres qui pillaient la nourriture dans l'antichambre. Il regarda les gardes et comprit qu'un sort ou une magie les empêchaient de voir les petits êtres. En s'approchant de l'appartement de la grande diseuse, il eut l'impression de se mouvoir dans quelque chose de plus épais comme si le plan éthérique devenait de l'eau. Il poussa aussi loin qu'il put mais ne réussit pas à aller très loin. Elle avait un sacré pouvoir la diseuse pour être capable de cela. Pourtant, il lui fallait trouver un moyen. Il n'avait aucune envie de retourner chez le sorcier noir surtout pour y être puni. Il était certain d'arriver à ce que l'homme fasse une faute. Il décida de passer sur les plans infernaux pour avoir une solution sur la manière de tuer une diseuse. Il devait là aussi être méfiant. Les autres démons ne le laisseraient pas en paix s'ils apprenaient ce qui lui arrivait. Il se projeta sur un plan qu'il savait occupé par des petits démons qui le craindraient. Son arrivée provoqua la panique, mais ils firent ce qu'il souhaitait. Un volontaire vint aux renseignements. Ces petits démons manquaient de puissance pour être très nuisibles mais ils servaient souvent un maître plus fort voir un prince. C'est ce qu'il cherchait. Darquiflou pensait que les princes des démons avaient déjà eu à faire aux diseuses et savaient comment contourner les runes de protection. A force de mensonges, de violences et d'intimidation, il eut un nom, pas le nom secret bien sûr, mais le nom d'usage. Cela lui suffisait pour trouver et coincer un jeune démon qui avait servi le Seigneur des mondes noirs. La simple évocation de ce nom mit le jeune démon presque en transe. S’il faisait quelque chose contre le seigneur des mondes noirs et qu'il l'apprenait, il était fini. Darquiflou mania la flatterie et les menaces mais encore plus la flatterie. L'autre y était sensible. Celui-ci lui raconta une histoire où le Seigneur des mondes noirs neutralisait une diseuse grâce à l'aide du jeune démon. D'ailleurs à bien l'écouter sans lui, le seigneur des mondes noirs n'aurait jamais réussi. Darquiflou se moquait de qui avait fait quoi, il voulait connaître le moyen employé. Il félicita son interlocuteur et renforça son discours en le flattant encore plus. Il finit par apprendre que le seul moyen de tuer une diseuse pour un démon était de rentrer en elle. Le plus simple était d'utiliser certains sorts peu connus de camouflage et de rentrer en elle en même temps que les aliments. Darquiflou se félicita intérieurement, il connaissait ces sorts. Il fit un peu d'esbroufe encore, posant d'autres questions, cherchant d'autres démons pour ne pas qu'on soupçonne la vraie raison de sa venue. Il repartit alors dans le monde des humains, fort satisfait de lui et de son stratagème. Il aurait beaucoup moins apprécié de voir le jeune démon qu'il avait interrogé aller tout raconter au seigneur des mondes noirs. Fait rare, celui-ci le récompensa d'un surcroît d'énergie. Il considéra Takachoughaa et Darquiflou, il avait là deux armes contre les diseuses qui allaient être bien utiles. Il fallait qu'il réfléchisse à cela.
Darquiflou réintégra le plan humain. Le temps n'avait pas la même valeur suivant les plans. La première chose qu'il fit c'est de voir combien avait duré son absence. Il ne fallait pas que l'humain en appelle à sa rune pour le faire revenir. Il fut rassuré à peine une journée de passée. Il se rapprocha de nouveau de l'appartement. Il ressentit la puissance de la protection de la diseuse. Au cours de sa vie longue en terme humain, il n'avait jamais connu de sort de défense aussi intense. Il trouva un coin tranquille. Il lui fallait du temps pour faire le nécessaire magique, en temps humain, un à deux jours. Il commença la convocation des forces nécessaires tout en observant les allées et venues.
Le sorcier noir se tenait devant la coupe de divination. Comme toujours, elle révélait certaines choses mais en cachait d'autres, ou plus exactement elle n'avait pas tous les pouvoirs. Les diseuses de runes échappaient souvent à ses capacités. Le sorcier noir se voyait entrer dans la capitale d'Asrha mais ne voyait rien sur ce que devenait la diseuse et le porteur de flamme. Pourtant il était sûr que son avenir dépendait de ce qui allait arriver à ces deux personnes. Il se releva. La voie était tracée, il allait diriger ses guerriers noirs vers le royaume d'Ashra. Il n'était pas pour autant rassuré. Il voulait encore plus contrôler la situation. Pour cela il voulait reprendre le contrôle de Takachougha. Il décida de faire un rite de convocation. Pour un démon du rang de Takachougha, il fallait du temps. Sa puissance de nuisance était supérieure à celle des autres démons rencontrés. Il ne suffisait pas d'aller à la « pêche » pour le faire venir. Comme le sorcier noir connaissait son nom, le rite en serait simplifié. Les précautions étaient d'autant plus nécessaires que le démon au nom dit serait en rage de ce fait. Cette parole était interdite sous peine de mort. Seuls les sorciers qui avaient les connaissances requises et l'audace de s'en servir échappaient au sort commun. Le sorcier noir était de ceux-là. Il convoqua ses aides. Ils arrivèrent avec le matériel nécessaire. Les brûle-parfums furent installés autour de la pièce. Les braises qu'ils contenaient furent activées. Les aides y répandirent les substances mal odorantes que le sorcier noir concoctait pour ces occasions. Celui-ci au milieu de la pièce inspectait le sol. A l'aide d'une craie, il délimita un périmètre que les serviteurs recouvrirent de sable noir. Tout autour de la pièce, ils firent de même. Maintenant deux cercles tangents et circonscrits délimitaient la pièce en deux. Un rond de sable noir où se tenait le sorcier et devant, limité par l'autre cercle de sable noir, l'espace où se tiendrait l'apparition. La nuit arrivant, les torchères furent allumées. Le rite pouvait commencer. Le sorcier noir prit du sable blanc dans la main et commença à tracer un cercle sur le sable noir. Puis toujours de la même manière en saupoudrant le sable blanc sur le sable noir, il traça une figure complexe. Sa magie en était puissante et contraindrait le démon à respecter celui qui se tenait au centre. Puis il prit de la poudre d'or. Avec elle il dessina une autre figure, plus petite mais toute aussi difficile. Elle amplifierait son appel, le rendant irrésistible. Pendant ce temps, ses aides à l'extérieur de l'espace fermaient symboliquement le secteur en répandant de la cendre sur le bord du sable. Tout était prêt. Le sorcier se redressa, fit un signe à ses aides qui ajoutèrent des braises et des fragments de chair. L'odeur devint difficilement soutenable. Le sorcier noir commença l'invocation. Il alluma un premier feu, égorgea un premier coq, un noir. Il en répandit le sang sur sa droite. Il alluma le deuxième feu, égorgea un coq blanc ; il en répandit le sang derrière lui. Il alluma le dernier feu sur sa gauche, immola un autre coq noir et en répandit le sang. Prenant alors un peu du sang des trois coqs, il le répandit devant lui hors des figures tracées et cria :
« Takachougha, par la magie qui te lie à ton nom, apparais. »
Il y eut une explosion au centre de la pièce, des jets de feu partirent en direction du sorcier. Celui-ci ne bougea pas. Les jets s'écrasèrent sur les protections magiques. Il y eut comme un vent de tempête hurlant et tordant le feu des torchères, mais le sorcier ne bougea pas. Alors apparut un dragon tellement grand que seule sa tête et le début de son cou tenait dans la pièce.
« Tiens-tu tant à mourir, que tu me convoques?
- Takachougha, par la magie qui te lie à ton nom, choisis une forme moins grande.
- Te revoilà, sorcier maudit. Je crois que je vais te détruire. Tes protections ne valent rien. Sauve-toi avant que je ne te mette en pièces.
- Cesse tes enfantillages, Takachougha, j'ai fait ce qui devait être fait et tu ne peux rien contre moi. »
Le grand démon fit le tour des figures tracées sans trouver de faille. Lui qui se rétractait à chaque fois que le sorcier prononçait son nom, comprit qu'il ne pourrait le vaincre tant qu'il serait protégé par le rite d'invocation. Il avait d'autres cartes dans son jeu. Le Seigneur des mondes noirs l'avait ramené à sa puissance mais sous réserve qu'il le serve bien. Il n'était pas libéré de sa dette envers lui. Le sorcier noir n'était qu'un pion sur l'échiquier du seigneur des mondes noirs. Son but était la fin des diseuses de runes et surtout l'instauration du règne de la Force Noire. Takachoughaa savait qu'il aurait le sorcier noir en récompense s'il servait bien le seigneur des mondes noirs. Il rêvait déjà de cette éternité de supplice qu'il pourrait faire subir au sorcier.
« Ce que j'ai subi par ta faute sorcier mérite mille fois la mort !
- Tu aurais fait preuve d'intelligence ce ne serait pas arrivé et je ne serais pas obligé de t'invoquer à nouveau. Ton échec est à toi.
- J'ai perdu puissance et énergie à cause de toi. Le monde de Corc m'a laissé sans force.
- Quand je vois tout ce que tu t'amuses à faire quand tu apparais, je doute de tes paroles. Tu me sembles bien vaillant pour un mourant.
- Même si cela me coûte de le reconnaître mais je ne pourrais pas affronter les diseuses de runes pour le moment. Il faut que je retrouve de la force.
- Je vais être généreux avec toi et t'aider à récupérer des forces vives. Laissons les diseuses de côté. Pour le moment, elles ne sont pas un problème. J'ai besoin que tu aides tous ces petits démons bons à rien pour attaquer le pays d'Ashra.
- Qu'attends-tu de moi?
- Tu vois, Takachougha, tu sais où est ton intérêt. Je te laisse les âmes de ceux que tu auras vaincus sauf celles qui deviendront mes guerriers.
- Ton âme me suffirait, sorcier !
- Ne rêve pas, Takachougha, la magie liée à ton nom est active et c'est moi qui en ai la clé.
- Ne fais pas d'erreur, sorcier, car je ne te raterai pas!
- Maintenant va, Takachougha. Quand viendra l'heure de la bataille, je dirai ton nom et tu répondras. Tu prendras les forces que je te donnerai et quand viendra le moment nous verrons si tu es assez fort face aux diseuses de runes. »
Le sorcier jeta de la cendre sur l'apparition. Celle-ci poussa un cri de douleur, de colère, d'impuissance et disparut.
Darquiflou était prêt. Il avait de la chance. La réalisation des différentes invocations ne lui avait pris qu'une journée de temps humain. Il était dans le couloir, protégé des forces de la diseuse, attendant le passage journalier des serviteurs avec le plateau de victuailles pour la diseuse et son compagnon. Quand le page apparut portant les vivres, il créa un mouvement d'air qui fit bouger les tentures. Le serviteur tourna la tête. Darquiflou en profita pour se laisser choir dans la coupe contenant les fruits. Il se savait presque indétectable. Le page avançait dans le couloir. Darquiflou commença à ressentir la pression des runes sur son être. Il en souffrait mais grâce à ses invocations de la journée, il pouvait continuer à se rapprocher. Il y avait un mur entre la force des runes et lui. Il savait que face à la diseuse si elle le repérait, tout ce qu'il avait préparé ne tiendrait pas longtemps. Pour le moment, il ne souffrait que de la proximité des runes, le grand risque viendrait quand il les affronterait. Si sa ruse marchait, dès qu'il serait à l'intérieur de la diseuse, il ne risquerait plus rien et pourrait accomplir son oeuvre de destruction. Les gardes saluèrent le servant, lui ouvrirent la porte et la refermèrent toute de suite derrière lui. Le page posa le plateau le plus vite possible. Il sortit du carquois toutes les flèches, les posa sur la table et récupéra les flèches runiques. Il se dépêcha de sortir.
Darquiflou sentait la force des runes de l'autre côté du mur comme on sent la puissance d'un ouragan à l'abri dans un lieu solide. Il se demandait si la punition n'était pas moins pire que ce qui l'attendait à côté. Il vit la porte vers l'extérieur s'ouvrir. Il fut étonné. Pour lui c'était la porte de la chambre qui aurait dû laisser le passage au compagnon de la diseuse. Il vit un des petits êtres entrer. Ne voulant pas se faire emporter avec les victuailles, il sauta sur les flèches. Le petit être posa un plateau chargé de restes à coté des victuailles fraîches. S'emparant des flèches, il se dirigea vers la chambre. Il vit que la porte en était entrebâillée. Des empennages de flèches dépassaient. Le petit être remplaça ces flèches par celles que le page venait d'apporter. Caché contre une des plumes, Darquiflou ne comprenait pas ce qui se passait. Il n'avait pourtant pas le choix. Il lui fallait affronter la diseuse. Il pensa qu'il était préférable qu'elle ne le découvre pas au milieu du faisceau de flèches. Il décida de se projeter dans la chambre. Il hésita un instant. Toujours sous sa forme la plus discrète il pénétra dans la chambre.
Et le monde explosa.
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